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Innovation industrielle : une nouvelle donne pour la collaboration

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Innover dans l’industrie implique désormais de ne plus être seul. Trop de risques, trop de complexité, pas assez d’agilité, etc. Il est quasi fini de voir de grands industriels maintenir un rythme soutenu de nouveaux produits « maison ». Seules quelques entreprises historiques très spécialisées et organisées en domaines d’activités stratégiques cohérents y parviennent encore, comme Schneider Electric sur certaines gammes de spécialités. Découvrez les 5 grands principes de la collaboration industrielle à suivre ainsi que des exemples concrets !

Les temps et les modes de l’innovation industrielle :

On observe 3 temps dans les collaborations à l’innovation :

  1. Un premier temps, orienté génération de connaissance, comme l’exemple de l’hydrogène et l’hybridation dans les poids lourds
  2. Un second temps entre la R&D et le marché, le temps de validation fonctionnelle de l’industrialisation de l’innovation, comme l’exemple AddUp,
  3. Un dernier temps très près du marché, pour introduire de l’innovation. Les grands groupes savent faire. Et s’ils ne le savent pas, ils vont trouver les ressources et les dépositaires des méthodes et des outils, et les intégrer est relativement simple pour eux. Comme l’exemple Greenflex/Total.

A ces trois temps, on peut en rajouter un quatrième, plus transverse, qui concerne la transition digitale de l’ensemble de la chaîne de valeur et embrassant l’intégralité du cycle de vie du produit ou du service. Cette notion dépassant le champ de l’étude.

Ces trois temps sanctuarisent l’innovation collaborative. A partir du moment où le grand groupe n’a plus la capacité de générer 100% de l’innovation dont il a besoin pour satisfaire son marché, il arrive à un point où le dialogue qu’il a avec ses partenaires d’innovation devient une question stratégique. En miroir, le fournisseur d’innovation doit collaborer avec le grand groupe pour valoriser ses efforts d’innovation.

Innover en mode gagnant-gagnant : 

Ce sont ces mécanismes de collaboration, associés aux capacités techniques et scientifiques internes de l’industriel, comme à son potentiel de détection des besoins et attentes marché, qui vont permettre de générer de l’innovation fertile. Ces mêmes mécanismes de collaboration sont très bien illustrés par la théorie des jeux, avec le « dilemme du prisonnier ».

Dans notre cas en environnement concurrentiel, on observe les occurrences suivantes :

  • Ceux qui se trahissent se « grillent » : soit les donneurs d’ordre ruinent leur crédit auprès de futurs fournisseurs innovants (startups, PME, institutionnels), soit les fournisseurs obèrent leurs futures collaborations avec des grands groupes,
  • Ceux qui lancent des innovations imparfaites parallèlement en se concurrençant risquent de polluer le marché, et leur réputation, avec des innovations boiteuses, naturellement complémentaires,
  • Ceux qui s’en sortent sont ceux qui collaborent loyalement.

On sent bien au quotidien que ce cadre est assez bien utilisé, même si beaucoup de fournisseurs se font dérober « à l’insu de leur plein gré » une innovation par un grand groupe : ton application me plaît bien pour l’intégrer à mon système. Cède-la-moi : en échange, file un autre marché classique. Cas moult fois vécu.

Les 5 grands principes de collaboration industrielle à suivre :

Pour que ces créations et valorisations communes d’innovations se passent bien, il est nécessaire de provoquer les bonnes conditions de la collaboration. Nous vous proposons cinq grands principes à suivre :

  1. Bien déterminer dans quel temps de l’innovation vous cherchez à acquérir ou proposer de la connaissance, de l’innovation, ou un accès marché. Un positionnement sur des échelles TRL et BRL cousues main peut être utile.
  2. Préciser de plus en plus finement qu’on s’approche du marché les facteurs de succès et d’échec du projet, au moins, mais aussi les autres facteurs clés inhérents à votre positionnement. Les matrices SWOT et leur extrapolation en TOWS peuvent aider.
  3. Mûrir par introspection la chaîne de valeur idéale que vous souhaitez mettre en œuvre, les assets et process que vous avez et ceux qui vous manquent. Quels que soient les assets, humains, connaissances, process, moyens de production, etc., le détournement de la chaîne de valeur de Michael Porter en une version innovation est recommandé.
  4. Pour les donneurs d’ordres, communiquez à bon escient avant de collaborer : sortez des RFI/RFQ, et mettez en place des groupes de travail et événements à destination de vos fournisseurs d’innovation, quels qu’ils soient, de façon transverse et thématisées.
  5. Pour les fournisseurs d’innovation, proposez la bonne solution au bon moment. Un concept immature ne sera pas cru ou compris par le donneur d’ordres, une innovation trop aboutie sera convoitée, voire captée, sans que vous en tiriez les les justes bénéfices.

Les collaborations, comme en aéronautique, sont la norme :

Ainsi, Boeing ou Dassault, ont tissé des partenariats avec de plus petits acteurs spécialisés qui leur gravitent autour, leur apportant de l’innovation incrémentale, ou fondamentale, à même de permettre de développer des retrofit et modernisation de gammes, et d’imaginer l’avion du futur.
D’un autre côté, Airbus, issu de du rapprochement d’acteurs français (sociétés historiques regroupées dans Aérospatiale) puis européens avec EADS, a le gène de la collaboration dans son ADN. Souvent autour d’écosystèmes eux aussi fertilisés depuis longtemps. Le cas toulousain est emblématique.

Les industries plus lourdes, ancrées territorialement, ont elles aussi bénéficié d’écosystèmes porteurs, leurs permettant de lancer des innovations, tant grâce à la sous-traitance qu’à la recherche académiques.
Les industries automobiles françaises, par leur éparpillement des sites de production, n’ont que dans de rares cas, pas réellement pu développer d’écosystèmes locaux à taille critique, sauf exception, et à l’inverse de l’Allemagne. Par contre, les volumes ont permis de concentrer les sous-traitants à même de les satisfaire, et de faire naître des partenaires de collaboration de grande taille. Ce modèle existe aussi dans l’aéronautique, c’est celui de Safran ou d’autres.

Exemples de collaboration : 

Une des pistes d’innovation collaborative a été de lancer des programmes d’open innovation avec des partenaires de taille inférieure. Ceux-ci, artificiels a posteriori – car souvent confusément positionnés entre les potentiels des écosystèmes et la stratégie d’entreprise, étaient censés faire naître les produits de demain. Ces programmes n’ont pas eu le plein effet escompté. Si souvent ils n’ont pas permis de faire naître ces nouveaux produits, ils ont par contre apporté souplesse et méthode de travail empruntées au manifeste « Agile » et tournées vers les clients.
Cette mode de l’open innovation a surtout dévoilé la capacité de générer de la croissance en innovant autour d’actifs matériels ou immatériels appartenant aux grands industriels. Ainsi, le lancement « maison » de Fioulmarket valorise Total sur toute la chaîne de valeur (de la raffinerie au poêle à mazout), sans collaboration. Ce même Total, en revanche, a racheté la startup Greenflex, experte en optimisation énergétique, pour proposer une nouvelle offre d’optimisation, hors chaîne de valeur.

L’innovation autour des procédés industriels complexes repose souvent sur des collaborations avec d’autres acteurs de taille égale ou inférieure. La création de AddUp entre Michelin et Fives, spécialisée en ALM, et servant primo les intérêts du pneumaticien, puis secundo de relais de croissances alternatifs, est dans cette vague.

Les innovations sur les domaines de l’énergie, en particulier sur l’hydrogène et l’hybridation, sont de leur côté encore plus consommatrices de ressources, et nécessitent de générer toujours plus de connaissances, car plus en amont : Volvo et Daimler trucks s’allient pour viser des camions roulant à l’hydrogène… après 2025. Ce qui permet de faire « un peu » de R&D, euphémisme, d’en mutualiser les coûts, et de récupérer les connaissances, concepts et propriété intellectuelle développés par Mercedes, en partie déjà absorbés, et de voir venir l’industrialisation grâce à des capacités de production connexes.

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