Dans cet épisode de La Voix des RH, Frédéric Ferrer (journaliste, consultant et enseignant à l’ESCP) reçoit Florence Bernier-Debbabi, consultante en droit social chez Ayming. Ensemble, ils décryptent un sujet souvent sensible mais essentiel pour les employeurs comme pour les salariés : le pilotage des arrêts de longue durée suite à un accident du travail.
Au programme de cet épisode
Florence : Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de la Voix des RH. Je suis Florence Bernier, consultante en droit social, alors experte de droit social mais pas forcément aussi technique que Gilles qui va se présenter et qui va animer avec moi cet ce nouvel épisode.
Gilles : Bonjour Florence, je suis ravie de te retrouver puisque c’est notre deuxième podcast. Je suis médecin, je suis directeur médical chez Ayming qui est un cabinet de conseil et parmi mes activités, je m’intéresse beaucoup aux accidents de travail et aux maladies professionnelles. Et je crois qu’aujourd’hui, on va parler en particulier des accidents de travail et des arrêts de travail qui s’inscrivent et qui font suite à un accident de travail.
Florence : Absolument. Merci Gilles pour cette présentation. Effectivement Gilles, toi et moi, on a déjà fait un podcast l’année dernière hyper intéressant sur la déclaration de l’accident du travail, toutes les petites choses auxquelles il faut faire attention pour que cette déclaration soit faite de manière juste. Je remettrai d’ailleurs en commentaire de mon de mon post LinkedIn le lien vers cet épisode que j’avais particulièrement apprécié. Parce que, comme souvent dans les. Dans le podcast ayming, on traite de sujets qui sont très techniques et comme beaucoup de sujets très techniques, personne ne s’y attache vraiment, personne ne comprend très bien. Or, ce sont vraiment des sujets très importants pour les employeurs parce que souvent ça leur fait grief, ça peut leur coûter extrêmement cher. C’est justement un des thèmes peut être les plus onéreux qui existent, que l’on va aborder aujourd’hui, c’est l’impact des arrêts de longue durée qui font suite à un accident du travail. Donc je vais commencer par te poser une question assez simple finalement, c’est pourquoi l’arrêt accident du travail impacte t il si particulièrement les employeurs?
Gilles : C’est en raison de ses effets de tarification, puisque tout événement qui survient au temps au lieu du travail est présumé imputable au travail, et il y aura donc des conséquences financières. Ces conséquences, elles sont. Elles vont dépendre de la taille de l’entreprise. Une entreprise en particulier, qui compte plus de cent cinquante personnes en équivalent temps plein, va être tarifée, va avoir des imputations sur son compte net entreprise au coût réel, au coût réel de l’accident de travail. Par exemple, un arrêt de travail qui fait suite à un accident de travail qui va dépasser les quatre vingt dix jours et jusqu’à cent cinquante jours d’arrêt de travail. l’Entreprise va se voir imputer un malus, une sur-cotisation qui sera de l’ordre de six mille à dix mille euros selon son secteur d’activité, selon également son caractère vertueux ou un peu moins vis à vis de la des événements survenus au sein de ses effectifs. Pour un arrêt de travail qui dépasse les cent cinquante jours, et bien la tarification est beaucoup plus pénalisante puisqu’elle sera de dix mille à plus de trente mille euros également en fonction des entreprises.
Florence : Alors, ce que je comprends, c’est que dès qu’on a une entreprise qui dépasse, qui dépasse cent cinquante salariés en équivalent temps plein, du coup, on est sur une tarification qui peut quand même chiffrer très rapidement et qui chiffrera davantage au fur et à mesure que l’arrêt se prolonge. Alors, on peut le comprendre. En tous cas, moi qui connais la définition de l’accident du travail, il y a d’ailleurs que tu que tu viens de rappeler au temps et au lieu de travail. Je peux comprendre qu’il y ait cette cette tarification parce qu’en fait, finalement, lorsque l’accident est causé par le travail, il est assez normal finalement que l’employeur, l’entreprise en subisse subissent les conséquences. Néanmoins, et on l’avait déjà abordé l’année dernière, il y a quand même parfois des accidents sur lesquels l’employeur peut ou douter, ou en tout cas se dire que ce n’est pas ou complètement de sa faute, voire que parfois c’est pas du tout de sa faute. On l’avait abordé l’année dernière, mais pour commencer cet épisode, j’aimerais bien quand même que tu me rappelles dès le stade de la déclaration que peut faire l’employeur pour. Alors, pas pour contester forcément, pas pour aller forcément dans l’affrontement sur le fait que ce n’est pas un accident du travail, mais pour dire qu’il a quand même des doutes sur la réalisation en lui même de l’accident. Que peut il faire?
Gilles : Que peut faire l’employeur? D’abord, la première chose, c’est qu’il peut porter un regard critique sur cet événement, ce fait générateur puisqu’un accident du travail, c’est un fait générateur accidentel et il va Éventuellement mettre en cohérence les lésions supposées avec ce fait générateur accidentel. Autrement dit, il doit y avoir une proportionnalité entre l’accident, son importance et au moins les lésions initiales. Et puis ensuite, l’histoire peut évoluer, il peut y avoir des évolutions favorables, mais également des évolutions défavorables. Et là, l’employeur va observer de façon un petit peu plus lointaine ce qui se passe, mais continuera à avoir un esprit critique et il va s’interroger, il va s’étonner, mais je crois qu’on parlera de l’étonnement un petit peu plus tard.
Florence : Oui, tout à fait. Là, du coup, dans un premier temps, je le comprends. Un regard, un regard critique qui permet notamment au stade même de la déclaration, de poser ce qu’on appelle des réserves.
Gilles : Absolument. Il dispose de dix jours pour émettre des réserves et ces réserves doivent être motivées. motivé, ça ne doit pas être juste des courriers fades adressés à l’assurance maladie pour dire l’accident n’a pas eu lieu. Je suis convaincu que non. Non, Il faut apporter des éléments probants parce que ces éléments probants, lorsqu’ils sont bien motivés, vont entraîner une instruction. Cette période d’instruction, elle est très importante. Il va y avoir dix jours pendant lesquels l’employeur peut apporter des éléments qui sont de nature à faire réfléchir la caisse et à démarrer une instruction, mais la décision n’interviendra pas tout de suite. D’ailleurs, la Caisse dispose d’un délai de soixante dix jours jusqu’à soixante dix jours pour rendre sa décision de prise en charge ou de refus de prise en charge de l’événement au titre de la législation professionnelle. Et d’ailleurs, ces soixante dix jours peuvent être allongés de trente jours supplémentaires, donc au total jusqu’à cent jours pour que l’assurance maladie se positionne sur le caractère professionnel des lésions qui font suite à un événement survenu au temps et au lieu du travail.
Florence : C’est absolument énorme. Et du coup, l’employeur, en attendant, donc il a émis ses réserves. Il n’a pas encore de réponse, il ne sait pas encore puisqu’on est encore en phase d’instruction. Autre question qui m’intéresse particulièrement, parce que moi je rencontre ça au quotidien dans mon métier, quand j’interviens, notamment auprès de cabinets d’avocats, j’ai des entreprises parfois qui sont vraiment en grosses difficultés parce que des salariés sont en arrêt longue durée suite à des accidents du travail. Je rappelle que dans ce cas là, le contrat ne peut pas être rompu, même si on argue de la nécessité de réorganiser son entreprise, c’est extrêmement difficile à rompre. Un contrat de travail qui est suspendu pour cause d’athée. Or parfois, l’athée a fait l’objet de réserves. Pour autant, il est pris en charge en tant qu’athée. L’arrêt se prolonge d’une dune d’une durée qui peut quand même amener à l’étonnement. VRAIMENT. Et du coup, j’ai utilisé le bon mot, je pense.
Gilles : Absolument.
Florence : Tu vas me parler parce que ça, c’est vraiment un truc qui est complètement inconnu des employeurs. Parle-moi s’il te plaît, de cette lettre de signalement ou d’étonnement. Tu utilises les deux termes en général.
Gilles : Absolument. Donc on a dit que tout démarrait par un fait générateur, accidentel. Et puis la première consultation médicale peut soit prescrire des soins ou immédiatement des arrêts de travail. L’employeur va acter ce ces arrêts de travail et les subir en termes d’organisation, parce que l’employeur est confronté à plusieurs défis. Le premier défi, c’est protéger les autres salariés, ceux qui restent en poste et qui, de façon temporaire, vont peut être supporter un surplus d’activité le temps de réorganiser le travail. Le temps peut être de faire venir un intérimaire par exemple, et donc il doit protéger ses salariés. D’ailleurs, on l’observe assez fréquemment. Il peut y avoir des arrêts de travail par ricochet chez les collègues qui restent en poste et qui vivent, malheureusement pour eux, un petit surplus d’activité,
Florence : Voire une grosse surcharge de travail quand ça se prolonge dans le temps, cet arrêt, et qu’on n’arrive pas à remplacer parce que ça arrive aussi
Gilles : ça peut arriver pour des raisons de disponibilité, de recrutement, de compétences, de compétences au poste. Et puis l’employeur, il est confronté à un autre défi, c’est c’est la sécurisation de la production. Donc, lorsque l’arrêt dure et qu’il a l’impression que ça a dépassé une longueur standard pour une lésion qu’il pense avoir identifié initialement, alors il peut rédiger et adresser au service médical de l’assurance maladie un courrier de signalement. Bien sûr, il doit être motivé comme les réserves, ça doit être motivé. D’ailleurs. Pour ce faire, l’employeur peut utiliser son savoir faire, mais il peut aussi recourir à l’aide de consultants, de bien sûr, de médecins, conseil de médecins, conseil.
Florence : Absolument, parce qu’il y a quand même un aspect qui est difficile pour moi à gérer, moi qui connais grâce à toi, notamment moi qui connais cette lettre de signalement ou d’étonnement quand je suis confronté à une difficulté d’entreprise. Moi je n’ai pas de connaissances médicales. Donc l’employeur il peut, c’est ce que tu me dis, se faire assister quand même pour adresser cette lettre d’étonnement ou de signalement, de manière à ce que, quand elle arrive au service de sécurité sociale, ce soit quand même une lettre motivée et qui ne passe pas à la trappe.
Gilles : Alors, absolument, mais en respectant bien sûr le secret médical. Alors, le médecin conseil sur la base de quels éléments il va réfléchir? Tout simplement sur la base des éléments que l’employeur va lui transmettre et qu’il dépose de façon absolument légitime. C’est à dire ce sera la déclaration d’accident de travail, éventuellement les réserves, éventuellement l’enquête qui a fait suite à la mission de réserve, suffisamment motivée pour déclencher une instruction jusqu’à la décision de prise en charge. Et puis ensuite l’employeur. Il reçoit au fil du temps différents certificats d’arrêt de travail qu’il va pouvoir transmettre à son médecin. Conseil pour dire oui, l’arrêt semble plutôt conforme ou non. Au contraire, ça semble dépasser ce que l’on connaît habituellement des séquences médicales qui font suite à tel ou tel type de lésion. Dans ce courrier de signalement, on va exposer le fait générateur, les lésions initiales et d’ailleurs l’employeur. S’il a émis des réserves motivées, aura la possibilité, pendant cette phase d’instruction, d’accéder au certificat médical initial Descriptif. Autrement dit, il aura connaissance de la lésion médicale initialement prise en charge par la caisse, ce qui permet de réfléchir d’autant mieux sur l’arrêt de travail qui va faire suite à cette lésion initiale. J’ai envie de rajouter une autre petite chose, c’est que depuis décembre deux mille dix neuf, toute nouvelle lésion, parce qu’il peut y avoir des nouvelles lésions qui apparaissent. Pourquoi elles apparaissent, ces nouvelles lésions? Parce que dans une séquence de soins, on. On ne découvre pas tout tout de suite. D’ailleurs, pour découvrir des lésions, il faut parfois laisser le temps évoluer. Et puis il faut faire des examens. On découvre des choses par la réalisation, par exemple d’examens, d’imagerie. Et là, des nouvelles lésions sont à déclarer par le médecin prescripteur, le médecin prescripteur d’arrêts de travail. C’est depuis décembre deux mille dix neuf. Toutes ces nouvelles lésions doivent faire l’objet d’une instruction. Autrement dit, ces nouvelles lésions doivent faire l’objet d’un accusé de réception de nouvelle lésion envoyé à l’employeur. Il dispose à nouveau d’une période de dix jours pour émettre des réserves sur l’éventuel rattachement ou non rattachement de ces nouvelles lésions. Suite à quoi cette instruction se clôture par une notification avec une décision soit prise en charge, soit de non prise en charge. Autrement dit, cette nouvelle lésion qui est déclarée, elle doit ou elle pourra être rattachée à l’événement initial ou fait générateur initial ou bien être exclue. Et c’est d’autant plus intéressant parce que si elle est exclue, si le médecin conseil a estimé qu’elle était exclue, ça veut dire qu’à un certain moment on a un arrêt de travail qui est justifié par Les conséquences de l’accident de travail, mais également par une lésion qui a fait l’objet d’un refus de rattachement et donc qui n’est pas d’origine professionnelle.
Florence : Ça aboutira. Tu penses à peut être plaider en faveur de l’employeur pour que pour que l’arrêt attaqué finalement se termine au profit peut être d’une poursuite en maladie?
Gilles : Exactement, C’est la question de la requalification. En fait, notre discussion d’aujourd’hui, elle a débuté sur le coût financier de l’accident de travail. Les régimes sont différents. Les régimes maladie, le régime maladie, le régime AT sont des régimes différents avec des conséquences évidemment différentes pour l’employeur, différente aussi pour les salariés. J’ai envie de rappeler rapidement que, en accident de travail, il n’y a pas de carence. Alors que pour les salariés de droit privé, il y a trois jours de carence. Alors éventuellement qui pourront être absorbés par les dispositions, la convention collective, la prévoyance, etc. Mais enfin, c’est pas de carence vs trois jours de carence, c’est aussi dans le maintien du salaire, un traitement différent en maladie, en assurance maladie. Pendant le premier mois, seule la moitié du salaire avec bien sûr un plafonnement sera versé alors que c’est soixante pour cent sous le régime de la T. Et au bout d’un mois, on passe à deux tiers du salaire. En ce qui concerne l’arrêt maladie, alors qu’on passe à quatre vingts pour cent du salaire initial sous le régime. AT
Florence : Oui, puis tu le disais, le plafonnement en plus des indemnités journalières en maladie qui vient de baisser, d’ailleurs, je crois qu’il a baissé au premier avril. Effectivement, il est plafonné alors que je crois que le calcul en matière d’ater est aussi plus favorable sur sur l’indemnisation. Donc, effectivement, il n’y a pas, même quand d’indemnisation, il y a aussi, en droit du travail, que l’accident du travail est souvent mieux traité en matière d’épargne salariale ou sur des tas d’avantages où on est, où on a un maintien des avantages quand on est en A.T. Alors qu’on ne l’a pas forcément quand on est quand on est en maladie ordinaire. Donc, il n’y a pas trop de doute sur le fait que le régime des accidents du travail est plus protecteur que le régime maladie. On peut comprendre pourquoi. Néanmoins, ce qui est intéressant et moi, je voulais vraiment insister là-dessus pour cet épisode parce que l’année dernière déjà, on avait envie, toi et moi, de se défendre sur le fait que ces épisodes qui parlent des accidents du travail n’ont absolument pas vocation à être dans une forme de de combat à tout prix ou de contestation à tout prix, que le but c’est plutôt Et moi je suis souvent dans cet équilibre là, dans dans tout, dans tout ce que je fais en droit social, dans l’équilibre, l’équilibre et le et finalement la prescription juste. Et tu en parles très souvent de cette prescription juste depuis que je te connais. Et du coup je voulais te. Je voulais t’entendre me parler à l’issue de ce conte, de ce courrier de signalement. Je sais que le médecin-conseil de la Sécurité sociale va se pencher sur le dossier. Je sais aussi que tu avais envie de parler, outre du travail du médecin-conseil de la sécurité sociale. Tu vas l’évoquer. Du travail aussi Du médecin traitant, du médecin prescripteur.
Gilles : Tu as tout à fait raison, parce que pour prescrire un arrêt, il faut une certaine technique, il faut maîtriser la technique. On voit trop souvent des consultations qui sont rapides et des médecins d’ailleurs, qui ne sont pas forcément les médecins traitants qui prescrivent un petit peu rapidement l’arrêt de travail et qui prescrivent une durée parfois longue sans être parfaitement assurés que c’est. C’est une durée qui n’est pas excessive. Je pense que pour bien prescrire un arrêt de travail, il faut d’abord prendre connaissance du contexte taxe professionnelle. Quel est le travail exercé? Quelles sont les missions qui constituent ce travail? Quelle est sa pénibilité physique ou psychique? Quels sont les horaires? Est ce qu’il y a des roulements? Est ce qu’il y a une semaine de matin, une semaine d’après midi, éventuellement une semaine de nuit? Et puis le temps de trajet. Quelles sont. Comment le salarié fait se réalise le trajet de chez lui au travail et en retour du travail à chez lui. Donc, cette connaissance du travail, de ces contraintes doivent être prises en compte par le médecin traitant, par le médecin prescripteur pour se dire, compte tenu de l’État, que je constate l’état médical qui est finalement un état fonctionnel, il peut ou il ne peut pas reprendre. Sauf qu’il y a une étape intermédiaire, et c’est le concept dont je te parle depuis longtemps, le concept de la récupération. Parce que quand un accident de travail survient, il peut y avoir une phase initiale avec une incapacité très forte et puis ensuite il y a de l’amélioration de l’État. Cette amélioration, il résulte. Cette amélioration résulte de quoi? Elle résulte tout simplement du temps, parce qu’avec le temps, les lésions s’améliorent. On a une capacité de réparation intrinsèque qui fonctionne bien, fort heureusement. Et puis il y a le temps, le le repos, pardon, il y a le repos. Le repos, c’est à dire lorsqu’on est extrait des contraintes de la pénibilité, eh bien on va mieux. Et puis il y a les soins. Les soins, ce sont des soins médicaux, Ce sont parfois des soins chirurgicaux, parfois de la rééducation. Enfin, ces soins concourent à ce que l’État s’améliore et on définit donc une courbe de récupération qui voit les symptômes décroître. Et la question que je pose est d’ailleurs, c’est la question que devrait se poser chaque médecin qui prescrit un arrêt de travail. C’est à quel stade en est on sur la courbe de récupération où je formule les choses autrement? Quelle est la capacité restante au moment où le médecin voit le patient? Et est ce que cette capacité restante, fonctionnelle, professionnelle, permet la reprise du travail ad integrum ou permettrait la reprise du travail avec des aménagements? On sait que ces aménagements, ça peut être un temps partiel, thérapeutique, mais ça peut être des aménagements en termes de contenu, de mission, c’est à dire pendant quelques temps, quelques semaines, quelques mois. On va demander, on va on va demander au médecin du travail de préconiser quelques aménagements pour que le retour au travail se fasse de façon acceptable pour le salarié. Par exemple, là,
Florence : j’en ai quelques unes, j’en ai quelques unes en tête. Ces fameuses reprises avec aménagement de poste, qui parfois sont extrêmement difficiles à tenir pour les employeurs et les obligent quand même à beaucoup de à beaucoup de patience et de résilience. Souvent dit moi moi quand tu me parles de ça, automatiquement je me vois comme un patient chez mon médecin et Dieu sait que j’en ai rencontré des médecins, mais alors des médecins qui me prenaient cinq minutes. Des médecins qui me prenaient vingt cinq minutes et qui me faisaient parler de ma vie. Donc des médecins différents, des médecins prescripteurs. On choisit souvent son médecin traitant parce qu’il nous convient, mais parfois on fait face à des médecins prescripteurs parce qu’on n’a pas pu voir son médecin traitant. Franchement, on va être honnête, il n’y en a pas un de médecin prescripteur, hormis le médecin traitant que tu connais depuis quinze ans et qui te fait parler et qui connaît bien tes conditions de travail, qui sait combien de temps tu mets pour aller au travail, qui sait que tu portes des charges lourdes, que tu travailles de nuit, qui était en travail, en équipe, travail posté, etc. Et du coup, je trouve ça intéressant parce que moi j’ai eu le privilège de faire toute cette préparation avec toi et de savoir tout ce que tout ce que cause une cause occasionne. Je vais dire occasionne. C’est moins, c’est moins négatif. Je sais tout ce qu’occasionne une lettre de signalement ou d’étonnement. Et je crois que finalement, ce qui est intéressant, c’est que tout ce que tu aimerais qu’il que fasse un médecin prescripteur ou un médecin traitant et pas forcément faisable dans la mesure où, comme je te le disais, il ne connaît pas bien les conditions de travail, sauf dans des cas très particuliers. Or, il y en a un qui lui sait très bien comment, comment travaille le salarié, je pense, c’est le médecin conseil qui reçoit la lettre d’étonnement puisque lui, il a le dossier médical du salarié, il a les réserves de l’employeur, il a la lettre d’étonnement de l’employeur qui très probablement décrit justement les conditions de travail du salarié. Du coup, ce médecin conseil, parce que moi, c’est vraiment le point principal que tu m’as fait découvrir et qui aujourd’hui me semble être finalement la meilleure façon pour l’employeur d’obtenir un traitement juste par rapport à un accident du travail réel, c’est de juste dire à un moment l’accident du travail. Oui, par contre, un arrêt de travail de. Je vais te donner un exemple parce que je l’ai eu et tu sais, il te fait rire, Moi aussi. Un arrêt de travail de six mois pour un pouce qui a été coincé entre deux cagettes, c’est excessif. Donc j’ai fait ma lettre d’étonnement. J’ai expliqué les conditions de travail du salarié, je les ai envoyées au médecin conseil de la sécurité sociale, Le médecin-conseil de la sécurité sociale, il en fait quoi? Il étudie quoi alors?
Gilles : Il a plusieurs façons de traiter les choses. La première, c’est de faire une analyse sur pièce. C’est à dire qu’il va observer quelles sont les prestations qui ont été prises en charge par l’assurance maladie au titre de cet accident de travail. Quelles sont les consultations? Quelles sont éventuellement les examens complémentaires? Est ce qu’il y a eu une hospitalisation, une intervention chirurgicale? Est ce qu’il y a des médicaments? Est ce qu’il y a beaucoup de médicaments ou au contraire vraiment très peu de médicaments? Est ce qu’il y a de la rééducation chez un kinésithérapeute à raison de beaucoup de séances, de beaucoup moins de séances, de moins en moins de séances parce que il faut évacuer une difficulté. On peut reprendre le travail même en ayant des soins qui perdurent. Autrement dit, c’est je reviens à ma courbe de récupération et à ma capacité Restantes. La reprise du travail ne doit pas s’appuyer absolument sur la guérison, sur la fin de la séquence de soins. On peut reprendre avec quel que soit en cours. On peut reprendre avec quelques médicaments toujours prescrits. On peut reprendre avec quelques séances de kiné par exemple, qui continuent à être réalisées, mais qui sont plus rares. C’est au rythme par exemple d’une séance par semaine. Ce qui compte, ce n’est pas les soins, c’est la capacité restante. Donc le médecin conseil, il peut faire une analyse sur pièce, mais mieux, il peut convoquer le salarié, le patient, l’assuré social, il le convoque, il fait le point avec lui. Et d’ailleurs, il n’y a pas mieux que de le recevoir, que de l’écouter, que de le questionner sur son travail, ses éventuelles difficultés. Et il va examiner également. Ce salarié va faire le rôle que le médecin prescripteur d’arrêts de travail fait ou doit faire, et il va mettre en perspective le travail et ses exigences avec la capacité restante qui correspond à la restauration des fonctions au moment où on le voit. Et là il se dira non, la reprise n’est pas possible ou bien oui, elle est possible totalement, ou bien oui elle est possible, mais avec des aménagements, ou bien encore elle n’est pas possible. Mais ce qui motive l’arrêt de travail, Mais ce n’est pas du tout et ça n’est plus du tout les conséquences de l’accident de travail. C’est un autre motif qui n’est plus d’origine professionnelle. Et là, que doit il se passer? Le maintien du salarié en arrêt de travail. Mais on change de régime, on requalifie, on requalifie.
Florence : Ça c’est intéressant parce qu’effectivement, mon salarié qui a eu un accident du travail avéré avec des conséquences, il peut aussi, pour une raison X ou Y, être tombé en dépression pour des raisons qui sont tout à fait personnelles d’ailleurs. Et dans ces cas là, et c’est très intéressant parce qu’encore une fois, on l’a dit dès le départ, la qualification d’accident du travail, il y a quand même un impact extrêmement fort pour l’employeur qu’il doit assumer, c’est une évidence puisque c’est lié au travail. Pour autant, les conséquences, lorsqu’elles ne sont plus liées à l’accident du travail, doivent être prises en charge par un autre régime qui est pour le coup le régime maladie. Alors, il y avait une petite chose aussi que je voulais aborder parce que je la trouve importante, qu’elle a fait l’objet d’une d’une récente réforme. C’est la possibilité également, si tout ce que l’on a essayé via la lettre de signalement n’a pas donné ce qu’on espérait. Il y a aussi la possibilité de diligenter une contre visite patronale. Je rappelle donc, Gilles, qu’on a eu une réforme en juillet dernier. Pour autant, la contre visite patronale n’est pas si simple à diligenter dans la mesure où le principe, c’est que si on applique des stipulations conventionnelles, il faut que la contre visite patronale soit prévue par la convention collective. Est ce que selon toi, la contre visite patronale peut avoir le même intérêt que le signalement? Un intérêt différent? Est ce que ça peut mener aussi à une requalification de l’arrêt ATER à un arrêt maladie ordinaire?
Gilles : Alors je vais commencer par une condition la contre visite médicale peut avoir lieu si les conventions collectives, la convention collective le permet, mais également si l’employeur maintient le supplément de salaire au delà des IJ, des indemnités journalières de sécurité sociale, l’arrêt doit lui coûter. Oui, tout à fait. Il doit y avoir un intérêt à agir. Tout à fait. Alors cette contre visite médicale, soit il s’agit d’une visite à domicile du salarié par un médecin contrôleur. Autrement dit, le médecin va se présenter aux heures où le salarié est censé être chez lui et va constater il est là ou il n’est pas là. S’il n’est pas là, il y a une carence, il y a un défaut et on laissera la possibilité au salarié d’apporter une justification à son absence et éventuellement on reprogrammera un autre, une autre contre-visite. Mais aujourd’hui est ce qui est bien indiqué dans la loi du cinq juillet deux mille vingt quatre, c’est que cette contre-visite, ce contrôle peut se faire au cabinet d’un médecin. Autrement dit, il n’y a plus d’effet de surprise. Absolument. On convoque le salarié au cabinet d’un médecin et là, le médecin contrôleur doit mener le même raisonnement intellectuel que le médecin prescripteur, c’est à dire poser des questions au salarié. D’ailleurs, poser des questions au salariés sur l’accident de travail, le fait générateur, les arrêts de travail, les soins, la récupération, le stade où il en est. Il doit aussi poser des questions sur les antécédents, c’est à dire le contexte qui existait à la veille de l’accident de travail. Le contexte qui comprend parfois des événements anciens, des maladies anciennes, qu’elles soient d’origine professionnelle ou non d’ailleurs, et qui vont impacter justement la possibilité de dire on est bien dans le bon régime, on n’est pas dans le bon régime. Ceci dit, ce que le décret de juillet deux mille vingt quatre précise, c’est que le médecin contrôleur doit s’en tenir au caractère médicalement justifié de l’arrêt, et pas au bon rattachement à la branche AT.
Florence : Donc en fait, le médecin contrôleur, c’est intéressant. Moi je l’avais pas vu ça. Alors ce que tu es en train de me dire, c’est que le médecin contrôleur va regarder si l’arrêt est justifié, mais l’arrêt de travail, c’est à dire la suspension du contrat de travail, mais qui ne va pas requalifier,
Gilles : ça n’est pas le sens de ce décret de juillet deux mille vingt quatre.
Florence : Alors ceci dit, on peut imaginer quand même que, une fois, parce que je crois que le compte rendu du médecin contrôleur est envoyé à la Sécurité sociale, donc il devrait y avoir des liens, je pense.
Gilles : Alors, ce. Le compte rendu de cette visite peut se faire sous deux formes une forme purement administrative qui est transmise à l’employeur parce que l’employeur n’a pas à savoir quel est le contenu de cette visite médicale.
Florence : Bien sûr.
Gilles : En revanche, il peut y avoir un compte rendu médical qui est envoyé au service médical de la caisse. Et là je le sais, je sais que des médecins contrôleurs, lorsqu’ils pensent que l’arrêt de travail est justifié, mais n’est plus rattachable à l’ADT. Je sais que certains médecins contrôleurs le glisse dans leur rapport, mais après c’est la souveraineté du médecin conseil de la caisse qui en prend acte, éventuellement, revérifie les choses par lui même ou bien ferme les yeux et ne fait rien. D’ailleurs, c’est pour ces raisons qu’on en arrive, une fois la consolidation prononcée, à des phases de contestation amiable et éventuellement judiciaire, parce que les conséquences pour l’employeur sont lourdes. On les a vues, elles sont lourdes. Pour ce qui concerne la durée de l’arrêt de travail, mais elles sont importantes pour l’évaluation des séquelles. Là, on a un deuxième poste d’imputation, un deuxième malus. Je t’ai dit qu’il y en a un qui était lié à la proportion qui était proportionnelle à la durée de l’arrêt. Mais il y en a un autre qui va être lié aux séquelles qui sont évaluées, qui sont fixées et qui correspondent à cette perte de fonctionnalité en lien seulement avec l’accident de travail, c’est à dire avec le fait générateur accidentel initial.
Florence : Alors, ce qui signifie que j’ai un j’ai un premier, j’ai un premier coût onéreux qui est lié à la durée de l’arrêt, mais j’en ai un potentiellement aussi au moment où l’arrêt de travail cesse ou est requalifié en maladie, ou j’ai une consolidation de l’accident du travail avec séquelles et donc rente. Et là, en fonction effectivement du degré de séquelles dont est atteint la victime de l’AT, je pourrais effectivement avoir des coûts vraiment importants. D’où l’intérêt. C’était tout le tout. Le but de cet épisode, c’était de dire un accident du travail, ça peut être bénin, ça peut être au contraire très grave. On a même des accidents du travail mortels. L’idée, c’est simplement de trouver aussi des solutions pour qu’on ait du juste en fait, de l’équilibre.
Gilles : On ne demande que ça en fait. Il est hors de question de jeter l’opprobre sur les médecins prescripteurs ou sur les accidentés du travail, ou sur les accidents du travail. Absolument, Et ni sur les employeurs. Ce qui est souhaitable, ce sont des situations appropriées à la réalité de ce qui se qu’il arrive.
Florence : Voilà, exactement. C’est à dire faire simplement en sorte que lorsque c’est un accident du travail et qu’on est sur un arrêt qui est cohérent avec l’accident qu’a subi le salarié, il est pris en charge en tant que accidenté du travail et qu’à partir du moment où effectivement on peut avoir des doutes, savoir qu’un arrêt accident du travail on ne le subit pas forcément en tant qu’employeur, on peut par des mécanismes qu’on veut dont on vient de discuter, on peut par ces mécanismes là essayer de faire requalifier l’arrêt quand en tout cas c’est justifié par la situation. Je te remercie mille fois Gilles, parce qu’encore une fois c’était c’était passionnant. Puis c’est surtout plein de conseils activables pour les employeurs qui souvent sur ce thème en fait, n’y connaissent rien et j’insiste un peu sur le mot, parce que certes, les accidentés du travail subissent eux aussi ce qu’il leurs accidents, les conséquences parfois avec des séquelles graves, mais souvent les employeurs ont seulement l’impression de subir, c’est à dire de ne pouvoir absolument rien faire face à un accident du travail, alors que je crois qu’il était important, et c’est ce qu’on a fait aujourd’hui, de rappeler que pas du tout, Les salariés ont des droits. Des droits qui sont d’ailleurs bien plus avantageux en accident du travail qu’en maladie ordinaire. Mais les employeurs ont aussi le droit de défendre un peu la situation de l’entreprise face à ces accidents.
Gilles : Bien sûr. Et le dernier mot que je voudrais prononcer, c’est que face à ces situations accidentelles qui sont à déplorer, l’employeur se doit d’effectuer un travail de cartographie, observer ce qui s’est passé pendant l’année courante pour améliorer la prévention, protéger les salariés et puis, bien sûr, sécuriser la production du travail.
Florence : C’était un très beau mot de la fin. C’était évident. On ne pouvait pas, on ne pouvait pas finir sans parler prévention. J’ajouterais même que les représentants du personnel, puisqu’on a beaucoup parlé, donc des entreprises de plus de cent cinquante salariés, donc souvent pourvues d’un CSE et d’une Cssct, les représentants du personnel doivent impérativement être mis dans la boucle en matière de prévention des accidents du travail.
Florence : Merci encore Gilles et puis au plaisir.
Gilles : Merci Florence, je suis impatient que l’on enregistre notre volet trois moi aussi. Merci à tous pour votre écoute et puis à bientôt pour un nouvel épisode du podcast.