Dans le prolongement de ses arrêts du 13 septembre 2023 ayant conduit à la Loi DDADUE du 22 mai 2024, la Cour de cassation a été amenée de nouveau à statuer sur le sujet des congés payés. En effet, par un arrêt en date du 10 septembre 2025 (Cass. soc., n° 23-22.732), la Cour de cassation opère un revirement majeur en matière de droit du travail : désormais, un salarié tombant malade pendant ses congés payés pourra bénéficier d’un droit au report des jours de congés dont il n’a pas pu bénéficier du fait de son arrêt maladie. Cette décision, inédite en droit français, aligne la jurisprudence nationale sur la position de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Report des congés payés : une évolution sous impulsion européenne
Depuis 2012, la CJUE considère qu’un salarié tombant malade durant ses congés payés doit pouvoir les reporter. La logique est simple :
- le droit aux congés payés vise le repos et la détente ;
- le droit au congé maladie vise la guérison et le rétablissement.
Ces deux droits poursuivant des finalités distinctes, ils ne peuvent se confondre.
En juin 2025, la Commission européenne avait engagé une procédure d’infraction contre la France pour manquement à ses obligations en matière de temps de travail, rappelant l’exigence européenne de garantir ce droit au report.
La position de la Cour de cassation
Jusqu’alors, la Cour de cassation n’avait pas directement tranché cette question. C’est désormais chose faite : dans son arrêt du 10 septembre 2025, la chambre sociale précise notamment à la lumière de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que :
Le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie.
Concrètement, si un salarié est placé en arrêt maladie pendant ses congés, et qu’il le notifie à son employeur, les jours concernés devront être reportés ultérieurement.
Alors, quels impacts pour les employeurs et les services RH ?
L’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025 (n° 23-22.732) ne se limite pas à un rappel de principe : il entraîne des conséquences pratiques importantes pour les entreprises :
1.Organisation et planification des absences
Les congés payés pris en chevauchement avec un arrêt maladie devront être reportés ultérieurement.
Cela peut perturber les plannings établis et désorganisé les équipes, notamment dans les périodes sensibles (vacances scolaires, pics d’activité).
Les RH et managers devront intégrer ce risque dans leur gestion prévisionnelle des effectifs et renforcer le suivi des absences.
2. Sécurisation juridique et contentieux
Un refus de report constituerait désormais un manquement à la jurisprudence nationale et européenne, exposant l’employeur à des litiges prud’homaux.
Les employeurs doivent s’assurer que leurs procédures internes (logiciels de paie, règles internes, notes de service) sont conformes à ce nouveau droit.
Cette décision pourrait ouvrir la voie à de nouvelles demandes de salariés concernant des périodes antérieures. Les employeurs doivent rester vigilants aux évolutions légales qui pourraient intervenir dans les prochains mois (transposition ou clarification par le législateur).
3. Adaptation des politiques RH et de la communication interne
Une communication claire devra être faite aux salariés sur leurs droits et obligations (notamment l’importance de notifier l’arrêt maladie pendant les congés).
Les managers de proximité devront être formés pour réagir correctement face à ce type de situation.
4. Impact financier et administratif
En cas de maintien de salaire durant les arrêts maladie, le report de congés peut impliquer que l’employeur soit amené à financer, à terme, une période de repos supplémentaire, induisant un coût supplémentaire qui pèsera sur les entreprises.
Cela peut générer un coût indirect lié à la désorganisation, aux remplacements ou au décalage de la prise de congés.
Les services paie devront également ajuster leurs pratiques afin de ne pas comptabiliser à tort des congés comme “consommés” alors que le salarié se trouvait en arrêt maladie.
Un tournant pour le droit du travail français
Avec cette décision, la Cour de cassation aligne une nouvelle fois le droit français sur les exigences européennes en matière de congés payés.
Il s’agit d’un changement structurant qui concerne l’ensemble des employeurs et des services RH, appelés à intégrer cette nouvelle règle dans la gestion quotidienne des absences.
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