Dans cet épisode de La Voix des RH, Vincent Hagenbourger (DAF-DRH à temps partagé, auteur de la newsletter Un coup d’Avance) reçoit Antoine Devresse, ancien inspecteur URSSAF et expert des contributions et cotisations sociales.
Dans un contexte de déficit public record et de durcissement des contrôles, ils explorent les leviers permettant d’optimiser les contributions sociales tout en limitant les risques de redressement URSSAF.
Au programme :
- Les conséquences concrètes de la LFSS 2025 : baisse des exonérations, requalification de la PPV, hausse des coûts salariaux…
- Les dispositifs à manier avec précaution : avantages en nature, prestations CSE, flex benefits, frais professionnels…
- Les erreurs fréquentes observées lors des contrôles et les bonnes pratiques pour s’en prémunir.
- Le rôle du BOSS et des rescrits sociaux : jusqu’où peut-on sécuriser ses pratiques ?
Un échange clair, concret et actionnable pour DAF et RH qui veulent réduire le risque de redressement tout en optimisant la rémunération globale.
Vincent Hagenbourger : Bienvenue dans La Voix des RH. Je suis Vincent Hagenbourger, DAF-DRH à temps partagé et rédacteur de la newsletter « Un coup d’Avance ». J’ai aujourd’hui le plaisir d’accueillir Antoine Devresse, ancien inspecteur URSSAF, expert en contributions et cotisations sociales. Nous allons parler des charges sociales : comment les piloter et évaluer les risques de redressement URSSAF.
Bonjour Antoine, je suis ravi d’échanger avec toi sur ce sujet, particulièrement riche. Pour donner un peu de contexte, rappelons l’actualité récente : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été adopté très tardivement cette année, quasiment fin février, début mars 2025. Et il a révélé un déficit record de plus de 22 milliards d’euros. Cela montre à quel point les déficits sociaux se creusent et que l’État manque de recettes et de contributions sociales.
Plusieurs pistes ont été mises en place pour tenter de résorber ce déficit :
- On a vu notamment une baisse des seuils d’exonération sur le complément maladie et le complément allocation familiale, possiblement temporaire car un projet prévoyait d’aller plus loin dès 2026.
- Le plafond du calcul des indemnités journalières de sécurité sociale a également été réduit, passant de 1,8 à 1,4 fois le SMIC, avec pour objectif environ 600 millions d’euros d’économies.
- À cela s’ajoutent l’intégration de la prime de partage de la valeur dans l’assiette de calcul de l’exonération générale de cotisations (anciennement exonérations Fillon) et la diminution des aides à l’apprentissage.
Bref, un ensemble de mesures qui augmentent le coût salarial pour les entreprises. Dans ce contexte, il paraît d’autant plus pertinent de réfléchir aux mécanismes de rémunération alternatifs au salaire, pouvant offrir certains avantages sociaux. Mais qui dit avantages sociaux, dit aussi risques accrus de redressement URSSAF.
C’est pourquoi nous avons choisi d’aborder ces thématiques : identifier les points de vigilance, comprendre les dispositifs concernés, et voir comment les entreprises peuvent mettre en place une véritable réflexion pour mieux gérer leurs cotisations sociales et anticiper les risques URSSAF.
Voilà donc le menu du jour : comment structurer cette réflexion dans votre entreprise, et quels sont les sujets clés à traiter ?
Antoine, as-tu déjà en tête quelques pistes ou thématiques essentielles sur lesquelles nous pourrions nous pencher ?
Avantages sociaux : des dispositifs à manier avec précaution
Vincent Hagenbourger : Je pense notamment à ce qu’on appelle aujourd’hui les flex bénéfices dans certaines entreprises. C’est une pratique récente, financée soit par le CSE, soit directement par l’entreprise. Je pense aussi à la PPV (prime de partage de la valeur). Si une entreprise souhaite mettre en place une prime de partage de la valeur, même si elle est un peu moins attractive cette année, quelles seraient, selon toi, les bonnes pratiques à adopter ?
La prime de partage de la valeur (PPV)
Antoine Devresse : La prime de partage de la valeur exige un formalisme strict : il faut être très rigoureux. Généralement, lorsqu’on lit le texte et qu’on l’applique correctement, il n’y a pas de difficulté. Néanmoins, le jour du contrôle, l’inspecteur arrive souvent 3 ans après. Il va donc vérifier 2 choses :
- d’une part, que le formalisme a bien été respecté lors de la mise en place,
- et d’autre part, que dans les faits, tout a été déclaré conformément à la réglementation.
Un point de vigilance majeur : la PPV ne doit pas être attribuée « à la tête du client ».
Elle ne peut pas se transformer en prime exceptionnelle réservée à quelques salariés. Elle doit bénéficier à tous, de manière équitable, conformément à l’encadrement prévu par les textes.
Vincent Hagenbourger : Oui, parce que la tentation peut être grande, dans certaines entreprises, de dire : « Je vais donner 2 000 euros à tel salarié et, pour dire que j’ai donné quelque chose, seulement 100 euros aux autres collaborateurs. » Mais ça, ça ne fonctionne pas.
Antoine Devresse : Exactement. Les textes permettent de faire certaines distinctions, mais elles ne doivent pas aboutir à des écarts trop importants. Dans ces cas-là , l’inspecteur va forcément chercher à comprendre pourquoi de tels écarts existent et pourra, le cas échéant, remettre en cause la légitimité de la pratique.
Vincent Hagenbourger : D’autant plus que la prime de partage de la valeur a évolué en 2025 : elle est désormais réintégrée dans le calcul de la réduction générale des cotisations. Mais, si l’on met ça de côté, elle reste très intéressante. Par exemple, il n’y a pas de forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés, si je ne me trompe pas. Côté salarial, on bénéficie d’une exonération de cotisations, même si la CSG et la CRDS restent dues. Et, pour les petites structures de moins de 50 salariés, le régime est encore plus favorable : aucune CSG, aucun forfait social. C’est donc un dispositif particulièrement avantageux.
Antoine Devresse : C’est sûr que la tentation est grande, mais il faut absolument éviter toute discrimination entre les salariés et veiller à ce que la prime soit versée à tous dans les mêmes conditions.
Vincent Hagenbourger : Donc, en pratique, le plus simple est de définir dès la rédaction de la décision unilatérale de l’employeur les critères retenus. Par exemple, préciser que la prime est proportionnelle au salaire, à l’ancienneté ou à d’autres éléments objectifs.
Antoine Devresse : Exactement. L’important est de bien réfléchir en amont aux critères pour sécuriser le dispositif.
Les flex benefits
Vincent Hagenbourger : Très intéressant. Si l’on élargit maintenant aux flex bénéfits ou aux prestations du CSE, le champ est très vaste : titres-restaurant, chèques culture, chèques emploi-service universels préfinancés par l’entreprise… Tous ces dispositifs offrent aux salariés des régimes sociaux et fiscaux particulièrement avantageux.
Mais alors, quels sont les points de vigilance Ă garder en tĂŞte ? Quelles bonnes pratiques recommanderais-tu ?
Antoine Devresse : Ces dispositifs existent depuis longtemps : tickets-restaurant, CESU… Ce qui est plus récent, ce sont les cagnottes. On voit apparaître beaucoup de startups qui proposent ce type de solutions, en expliquant aux salariés qu’ils pourront utiliser leur cagnotte comme ils le souhaitent.
C’est là que se situe le vrai risque.
Pour les tickets-restaurant, les règles sont claires : un seul titre par jour travaillé, pas de droit si l’on est malade, pas de titre si l’on ne travaille pas l’après-midi en temps partiel. Sur ces sujets, on ne voit quasiment plus de redressements.
Mais les cagnottes, elles, posent problème. C’est un dispositif nouveau, déjà à l’origine de redressements. Les contentieux sont en cours, et il n’y a pas encore de solution tranchée.
Même pour les chèques culture, pourtant sans plafond légal, il faut rester prudent. La question est de savoir si le salarié achète vraiment des produits culturels avec ces bons et si l’usage reste bien limité aux enseignes prévues. Or, certains prestataires proposent de transformer ces chèques en bons multi-enseignes ou utilisables sur des sites comme Amazon. Dans ce cas, l’inspecteur peut considérer qu’il ne s’agit plus d’un avantage culturel, mais d’une simple prime. Et donc appliquer des cotisations sociales.
Vincent Hagenbourger : Donc, si une entreprise, comme on le voit souvent dans la tech, met en place une cagnotte de 10 € par jour, utilisable à la fois comme titre-restaurant et comme chèque culture, il y a un risque. Même si elle respecte la prise en charge de 60 % par l’entreprise pour les titres-restaurant, le fait de mélanger les usages reste flou. Et comme tu le dis, on n’a pas encore de recul sur la position que l’URSSAF adoptera.
Antoine Devresse : Exactement. Prenons un exemple concret avec le chèque culture. L’inspecteur, lui, revient toujours 3 ans après. Donc en 2025, il contrôle les années 2022, 2023 et 2024. Il peut demander : « En 2022, quels achats ont été réalisés avec la cagnotte en chèque culture ? » Et parfois, le fournisseur répond : « Avec le RGPD, on ne peut pas transmettre ces informations. »
Mais l’URSSAF, elle, insiste : si vous n’êtes pas capables de démontrer que l’argent a bien été utilisé pour de la culture, alors c’est requalifié en salaire. C’est typiquement le genre de situation qui peut poser problème.
Vincent Hagenbourger : Donc un bon réflexe, c’est d’interroger le prestataire en amont : comment encadrent-ils les achats ? Comment peuvent-ils prouver que les salariés utilisent vraiment la cagnotte pour de la culture ? Quels justificatifs peuvent-ils fournir ?
Antoine Devresse : Exactement. Il faut pouvoir produire des justificatifs sur toute la période contrôlable, donc dans la limite des 3 ans. Comme ça, le jour du contrôle, pas de mauvaise surprise.
Vincent Hagenbourger : Peut-on aller jusqu’à dire que c’est une pratique risquée ? En fait, on ne sait pas encore.
Antoine Devresse : Oui. Les prestataires connaissent les règles de l’URSSAF, et certains font des rescrits pour sécuriser leurs pratiques. Mais malgré ça, l’inspecteur peut toujours examiner de plus près et remettre en cause certains montages, surtout quand il y a des arguments marketing un peu « limites ». Aujourd’hui, il faut attendre que la jurisprudence se prononce pour avoir une vraie sécurité juridique.
Vincent Hagenbourger : C’est important de le rappeler : l’URSSAF a une position, mais un redressement n’est pas une fin en soi. L’entreprise peut contester et aller devant les tribunaux. La Cour d’appel, voire la Cour de cassation, peut tout à fait avoir une lecture différente de celle de l’URSSAF.
Antoine Devresse : Bien sûr. Alors voilà , il y a des voies de recours. L’inspecteur, ce n’est pas Dieu sur terre. Il va faire son analyse. Maintenant, il y aura des voies de recours. Il y a une commission de recours amiable interne à l’URSSAF. Puis les tribunaux, tribunal judiciaire, voire Cour d’appel, voire plus loin. Voilà . Mais ça reste des pratiques nouvelles.
Il faut laisser un peu de recul, justement aux URSSAF et aux fournisseurs, pour s’adapter , et que découle de tout ça, une position qui soit claire.
C’est toujours les positions, où il peut y avoir des problèmes de posture, de se dire, « est-ce que je le fais ? est-ce que je ne le fais pas ? Est-ce que c’est sûr ? est-ce que ce n’est pas sûr ? ». Dès l’instant où ce n’est pas soumis à cotisation, l’inspecteur se pose la question de se dire, est-ce que ça ne doit pas remonter dans le brut.
Vincent Hagenbourger : Et finalement, on connaîtra la position de la Cour de cassation peut-être que dans 5-6 ans. Et donc, dans l’attente, les départements RH et financiers doivent gérer un petit peu le risque.
Donc peut-être aussi, au-delà du fait de s’assurer de comment l’entreprise, qui met en place ses titres restaurants et autres, suit ça.
Enfin, ces cagnottes puisqu’on n’est pas juste sur du titre restaurant. Il y a aussi peut-être de ne pas en faire un avantage trop important par rapport au reste de la rémunération. Parce que j’ai entendu des boîtes qui disaient, «vous pouvez verser 4 000, 5 000 euros par an par salarié». Il faut se dire qu’après, en cas de redressement, c’est autant à réintégrer dans le calcul des cotisations sociales.
Antoine Devresse : C’est ça. Et puis, Il y a une notion d’abus de droit aussi, qui pourrait faire l’objet d’échanges, mais de se dire, est-ce qu’à un moment donné, l’URSSAF ne pourrait pas considérer qu’on a essayé de rentrer dans un système vraiment pour éluder des cotisations ? La loi de financement de 2024 le prévoit. On ne sait pas encore comment les URSSAF vont l’utiliser, cette problématique de l’abus de droit, pour se dire, attention, là , vous essayez vraiment de contourner un texte.
Si vous donnez 1000 euros de chèque culture par mois, sous prétexte que c’est déplafonné, ça peut amener des risques.
Vincent Hagenbourger : Oui, complètement. Après, les entreprises, normalement, elles se disent aussi que ça ne doit pas avoir un intérêt pour tout le monde. C’est bien un peu de culture, mais finalement, il y a d’autres avantages plus importants, qui sont plus faciles à utiliser.
Les avantages donnés par le CSE
On parlait aussi des avantages donnés au CSE. Comment ça se passe à ce niveau-là ? Parce que là , on part du principe que c’est le CSE qui gère son budget œuvre sociale, donc qui va distribuer au salarié de l’entreprise.
Est-ce qu’il y a un risque particulier ?
Est-ce qu’en tant qu’entreprise, on a plutôt intérêt à dire au CSE, on vous donne une cagnotte importante pour que vous puissiez, derrière, redistribuer sous forme de chèques cadeaux, de chèques culture, pourquoi pas encore, ou d’autres avantages ?
Est-ce qu’il y a un risque pour l’entreprise de le faire de cette sorte ?
Antoine Devresse: C’est vrai que pour l’inspecteur, dès qu’il y a un CSE qui gère les œuvres sociales, il considère que l’employeur ne peut plus rien faire à côté. Donc, c’est vrai qu’il faut que le CSE soit bien formé pour éviter tout type de requalification, parce que c’est un redressement qu’on voit régulièrement.
Comme c’est aussi une somme qui est sans charge, l’inspecteur, il se demande si elle ne devrait pas être remise dans le brut. Parce que, par exemple, il y aura un problème de discrimination. Le bon d’achat de Noël, tout le monde sait qu’on peut le faire, il n’y a pas de problème, etc. Mais si, par exemple, vous ne le versez pas aux salariés qui sont en congé parentaux, ils font toujours partie de l’effectif, ils devraient en bénéficier. Ils n’en bénéficient pas, ça peut être une cause de requalification de l’ensemble des bons d’achat, par exemple.
Vincent Hagenbourger : Et puis, on avait l’an dernier la Cour de cassation qui parlait du critère d’ancienneté qui ne pouvait pas être admis pour ce type d’avantage.
Antoine Devresse : Voilà , donc ça, c’est un autre vrai sujet, hyper important, où, avant l’URSSAF, tolérait l’ancienneté de 6 mois, c’était écrit noir sur blanc dans leur guide du CSE. Il n’y avait pas de problème.
Et puis, là , c’est la Cour de cassation 2024 qui est arrivée pour dire, non, maintenant, c’est terminé : dès le premier jour où on est dans l’entreprise, on a droit aux avantages. C’est une vraie problématique pour les CSE. Parce que si vous êtes une activité saisonnière, vous avez plein de CDD qui arrive juste à Noël. Ils auront dès 2026 le droit aux mêmes bons d’achat que les autres salariés qui ont 10 ans d’ancienneté.
Vincent Hagenbourger : Sauf si, en fait, on fait un prorata par rapport à la durée de présence dans l’année. Ça serait délicat ?
Antoine Devresse : Délicat, oui, parce qu’on vous dit qu’on ne peut pas discriminer en fonction du CDD-CDI. Ce serait une forme de discrimination.
Vincent Hagenbourger : Mais si on disait, c’est au prorata du temps de présence dans l’année. Un petit peu, comme on fait en matière d’intéressement et de participation, finalement.
Antoine Devresse : Pour le bon d’achat, je ne pense pas que ça soit possible. Ça me semble délicat.
Vincent Hagenbourger : Il faudrait regarder plus en détail, mais c’est a priori délicat.
Antoine Devresse : A priori, pour le bon d’achat, il faut que tout le monde ait le même bon d’achat. Voilà , l’URSSAF va vous mettre le doigt sur le caractère discriminatoire. Moi, ça me paraît difficile.
Vincent Hagenbourger : D’accord. Donc, finalement, la bonne pratique, quand on est en entreprise, c’est quand même de discuter avec ses élus et de leur passer le message que, attention, gérer en bon gestionnaire ses avantages, distribuer bien à tout le monde, ne fait pas exception.
Antoine Devresse : Le critère d’ancienneté, vraiment, c’est le sujet le plus important qui faisait déjà l’objet de redressement. Il va falloir être clean là -dessus.
Vincent Hagenbourger : Pour qu’on comprenne bien, ça veut dire que si le CSE ne respecte pas ces critères-là , c’est après l’entreprise qui va devoir payer des arriérés de cotisation pour la mauvaise utilisation de ces avantages.
Antoine Devresse : Exactement, le jour du contrôle, c’est bien les salariés de l’entreprise qui bénéficieraient d’avantages, considérés comme pas bons par l’URSSAF, donc c’est l’entreprise qui va payer. Après, si c’est une erreur du CSE, l’entreprise essaie de reprendre ça sur le budget fonctionnement ou sur la dotation de l’année d’après. Mais autant essayer d’être clean dès le début, parce qu’il y a des fois, on voit des gros redressements là -dessus qui amènent le CSE à ne plus pouvoir faire grand-chose après, pendant un ou deux ans, pour éponger le redressement.
La médaille du travail
Vincent Hagenbourger : Effectivement. Autre sujet intéressant, dont on parle un peu moins, la médaille du travail. C’est un avantage qui permet finalement de verser une rémunération assez conséquente, mais sans payer de cotisations sociales. Mais les conditions sont assez restreintes et on en parle peut-être moins parce qu’aussi, pour pouvoir la verser, il faut avoir une certaine ancienneté. Peut-être que tu veux nous en dire deux mots.
Antoine Devresse : Alors, effectivement, pour fidéliser sur le long terme, c’est quand même une bonne idée. Ça veut dire que et ce n’est pas la médaille en elle-même qui intéresse les salariés, c’est bien la prime associée.
Donc, il y a une tolérance qui est ancienne là -dessus où l’URSSAF vous dit : pas de problème, vous pouvez donner jusqu’à 1 mois de salaire de base brut en net, justement. Donc, du coup, ce sont des sommes qui peuvent être importantes. C’est bien sûr un maximum. On peut faire moins si on a envie.
Mais il y a des conditions, comme toute tolérance d’application stricte, où il faut que ce soit la vraie médaille préfectorale, pas une médaille corporative. Il ne faut pas que ce soit une prime d’ancienneté, qui, elle, serait soumise à cotisation. Il faut que ce soit la vraie médaille du travail. Il faut conserver les diplômes. C’est-à -dire que normalement, c’est le salarié qui fait son dossier auprès de la préfecture pour prouver justement son ancienneté, ses 20 ans. Parce que la première médaille, tu disais, il faut 20 ans. Mais c’est 20 ans, non pas dans l’entreprise, mais plutôt 20 ans d’activité dans la carrière professionnelle.
Et c’est là où on voit le redressement, parfois, où il y a des entreprises qui ont envie de donner la prime des 20 ans, mais que pour ces salariés qui ont 20 ans dans l’entreprise. Or, si sont exclus les salariés qui ont 20 ans d’activité professionnelle, mais moins de 20 ans dans l’entreprise, si elles sont exclues, ces personnes-là , ça fera l’objet d’un redressement.
Vincent Hagenbourger : Oui, parce qu’en fait, il y a deux poids, deux mesures, là encore.
Antoine Devresse : C’est ça. C’est souvent ça, l’inspecteur, il regarde s’il n’y a pas un caractère discriminatoire dans le versement de telle ou telle somme.
Vincent Hagenbourger : Oui, parce que tout ce qu’on a évoqué, que ce soit la prime de partage de la valeur, les Flex bénéfices, ces fameuses cagnottes qui servent de titre restaurant, cheque culture ou CESU ou autres, prestations du CSE. En fait, tous ces éléments-là , un des caractères importants, j’allais dire, même essentiels à respecter, c’est le côté collectif, c’est-à -dire ce n’est pas de l’avantage individualisable, et donc du coup, c’est ça qui est vraiment scruté de près.
Antoine Devresse : Un peu comme la mutuelle qui doit être collective, là , c’est pareil, les avantages doivent être les mêmes pour tout le monde. Il y a quelques possibilités de faire des choses particulières, mais globalement, c’est l’idée à retenir, effectivement.
Vincent Hagenbourger : Oui, parce qu’on ne peut pas tout avoir, c’est-à -dire, l’exonération d’un côté et individualisable de l’autre. Ça, c’est compliqué de le faire. Très intéressant.
L’avantage en nature : le cas du véhicule de fonction
Vincent Hagenbourger : Quel autre avantage salarial nécessite une vigilance particulière aujourd’hui sur lesquels on pourrait aller ?
Je pense notamment, on a vu dans l’actualité, assez récente, de nouvelles règles en matière d’avantages en nature. Alors, l’avantage en nature, ce n’est pas forcément quelque chose qui à , j’allais dire, un avantage en termes social et fiscal.
Parce que l’avantage en nature est inclus dans le calcul des cotisations sociales, avec généralement une évaluation forfaitaire de ce montant-là . Mais en fait, là où ça devient problématique, c’est que comment on évalue cet avantage forfaitaire ?
Il peut être plus ou moins favorable aux salariés, plus ou moins favorable à l’entreprise. Et là , récemment, un arrêté vient de changer les règles et le coût de l’avantage en nature, notamment pour le véhicule, va devenir exorbitant pour les entreprises.
Antoine Devresse : Alors, là , c’est vrai que c’est un sujet qui impacte beaucoup les entreprises, que ce soit côté RH ou côté finance.
Parce que côté finance, ça coûte cher. Et côté RH, il va falloir expliquer aux salariés que le net des salariés va baisser suite à ce nouvel arrêté de février 2025 qui a fait couler beaucoup d’encre.
Parce que tout à l’heure, on parlait de recherche, de nouvelles recettes. En l’occurrence, c’est un peu un impôt déguisé quand même. En tout cas, Il y a une recette supplémentaire qui va rentrer dans les caisses de l’URSSAF via ce nouveau calcul. Qui amène les cotisations à augmenter de 67%.
Parce qu’avant, c’était 12% du coût TTC du véhicule. Maintenant, c’est 20% du coût TTC du véhicule, si ce n’est pas un véhicule électrique.
Enfin, voilà , il y a des conditions. Mais c’est vrai que ça reste un avantage en nature.
Un avantage en nature, c’est l’économie que fait un salarié quand on lui donne un outil professionnel, en l’occurrence, le véhicule.
Donc, c’est vrai que c’est un des sujets aussi, qui est scruté de près par les inspecteurs. Il faut vérifier si le calcul est correct, notamment par rapport à la problématique déplacement pro, déplacement perso.
Donc peut-être une des solutions qui est envisagée là -dessus, c’est d’aller plus sur du réel quand c’est possible. Quand, par exemple, vous avez des commerciaux qui roulent beaucoup à titre professionnel, ça vaudrait le coup de faire le distinguo pro-perso.
Vincent Hagenbourger : Alors, si je reformule le point, parce que tout le monde ne connaît peut-être pas ça de manière détaillée, c’est que finalement, quand on donne un véhicule à un collaborateur pour son usage professionnel et personnel, ce qu’on appelle un avantage en nature, un véhicule de fonction.
Aujourd’hui, ce que font beaucoup d’entreprises, elles disent : cet avantage, je l’évalue forfaitairement à x% de son coût TTC pour calculer ensuite les cotisations dessus. Mais il y a une autre manière de faire qui est le réel.
Peut-être que tu peux nous dire précisément comment ça se passe, l’évaluation au réel.
Antoine Devresse : Au réel, ce serait justement de faire un ratio entre l’utilisation totale et l’utilisation, qui serait strictement professionnelle. Et pour ça, à part la géolocalisation, il faudrait pouvoir tracer jour par jour et pour pouvoir prouver justement le jour du contrôle qu’il n’y a que 10% de l’utilisation totale qui est perso, par exemple. Il va falloir avoir des outils qui vont bien, apporter la preuve, justement.
Vincent Hagenbourger : Oui, parce que finalement, si on fait aussi du forfaitaire, c’est parce que c’est plus fiable, parce que, comme tu le dis, c’est plus simple. Parce compter le nombre de kilomètres faits à titre perso et à titre pro, je me mets à la place des départements comptabilité et RH des entreprises : c’est un sacré casse-tête à suivre.
Antoine Devresse : Alors, effectivement, l’URSSAF explique que, oui, il faut tenir un carnet de bord pour y répertorier tous ses déplacements. C’est difficile d’être rigoureux pour tous les salariés qui utilisent leur véhicule dans ce cadre-là .
Maintenant, il y a peut-être des outils informatiques qui vont se mettre en place pour aller sur ce terrain-là , d’apporter la preuve qui serait suffisante pour l’inspecteur, pour l’URSSAF en cas de contrôle, la preuve suffisante de la démonstration. C’est pour ça que je parlais de géolocalisation en disant qu’il peut amener d’autres problématiques. Mais c’est vrai que là , au moins, pour l’inspecteur, vous avez la preuve que le salarié, il est allé d’un point A à un point B, et que c’était un déplacement professionnel. Le reste du kilométrage, quand on ne sait pas, c’est considéré comme du personnel. Pour les commerciaux ou pour certaines populations qui roulent beaucoup, ça pourrait peut-être être intéressant.
Vincent Hagenbourger : Oui de dire qu’en fait, il utilise bien son véhicule 80% du temps à titre professionnel. Dans ce cas-là , ça pourrait valoir le coup de faire l’évaluation réelle. Ça se regarde au cas par cas, finalement.
Antoine Devresse : Effectivement, c’est ça. Et puis, c’est vrai qu’il y a aussi d’autres personnes qui ont un véhicule de fonction qui ne leur sert quasiment qu’à titre perso. Là , il faudra aller sur le forfait, le forfait de 20% où tout le carburant est pris en charge par l’entreprise. Donc, il faudra payer plein pot.
Vincent Hagenbourger : Ça sera plus cher. Alors, l’alternative qui se dessine, c’est l’électrique. Sous certaines conditions, parce qu’on parle de véhicules éco-scorés notamment, ça pourrait être beaucoup plus favorable. L’électrique a un abattement conséquent par rapport aux thermiques, puisque ce qui prend l’augmentation, pure et simple de 67%, si je puis dire, c’est les véhicules thermiques.
Antoine Devresse : Et hybrides.
Vincent Hagenbourger : Thermiques, partiellement ou totalement, on va dire.
Antoine Devresse : Effectivement. Après, c’est un peu comme ça que le gouvernement a vendu le texte en disant que c’est pour être plus écolo et passer sur l’électrique. Il y tout un débat par rapport à ça.
Mais effectivement, si vous allez sur le terrain de l’électrique ça va vous obliger finalement à verdir votre parc pour essayer d’aller sur ces véhicules-là qui coûteront moins cher en termes d’avantages en nature. Comme on disait, ça coûte cher côté finance, pour l’entreprise, mais aussi le salarié, lui, il voit qu’il va payer plus d’avantages en nature, donc plus de cotisations salariales et d’impôts sur le revenu sur cet avantage.
Vincent Hagenbourger : Donc, il y a une réflexion finalement à se poser. C’est de se dire peut-être que mon véhicule électrique va me coûter plus cher en location, en leasing ou à l’achat en fonction de la politique de l’entreprise. Mais je vais m’y retrouver parce que je vais payer moins de cotisations patronales. Et côté salarial, mon salarié payera moins de cotisations lui aussi et moins d’impôts.
Antoine Devresse : Après, c’est une réflexion un peu sur le long terme. Là , l’arrêté est un peu tombé du ciel. Donc, c’est vrai que ce n’est pas facile de se projeter, etc.
Là , ce qu’on voit, c’est plutôt de trouver des solutions à court terme qui seront peut-être pour les véhicules thermiques, de les garder plus longtemps pour continuer à en bénéficier. Parce que les véhicules qui étaient déjà dans le parc avant le 1er février 2021, ne sont pas concernés. Donc, les loueurs, on va peut-être leur dire, au lieu de 3 ans, 4 ans, on va les garder 5 ans. On va voir pour justement retarder cette augmentation.
Vincent Hagenbourger : Oui, parce qu’on le reprécise bien, l’arrêté n’est applicable, c’est 67% de plus aux véhicules remis aux salariés à compter du 1er février 2025.
Antoine Devresse : Avec cette petite subtilité, effectivement, où l’URSSAF a remis dans le BOSS, le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale, que si le véhicule était dans le parc avant le 1er février, mais qu’il est réattribué à un nouveau salarié, il faut quand même appliquer les nouvelles règles. En tout cas, c’est un sujet qui était déjà beaucoup regardé par les inspecteurs dans le cadre des contrôles et qui le sera encore dans les prochaines années.
Vincent Hagenbourger : Donc l’avantage en nature, le véhicule est quelque chose à suivre. Très intéressant, ces éclairages.
Il y a un autre avantage dont on ne parle peut-être pas souvent parce qu’il ne concerne pas forcément tous les salariés, mais des entreprises qui proposent des services toujours intéressants à avoir et qui disent, plutôt que d’aller les acheter, nous, on vous propose les produits de l’entreprise, prenez-les. Je pense, par exemple, à l’électricité. C’est un exemple bien connu, où les billets d’avion, certaines compagnies aériennes, pour ne citer personne, qui vont donner à leurs collaborateurs des titres, pas gratuits, mais à des tarifs très, très bas, pas toujours respectueux de la législation en la matière.
Antoine Devresse : Mais effectivement, ou là , voilà , ce que l’URSSAF appelle l’avantage nature produit de l’entreprise. On vous dit si vous faites 30% ou moins de réduction à votre salarié par rapport au prix public, pas de problème. Si vous faites plus de 30%, là , il y aura un redressement. Et il y a aussi la problématique à l’intérieur de cette problématique, quand c’est un groupe, on a le droit de faire la réduction que pour les salariés de la société qui produit. On ne peut pas faire la réduction, la tolérance des 30% ne s’applique pas pour les produits du groupe.
Vincent Hagenbourger : Par exemple, une entreprise qui produit des automobiles Renault, Peugeot ou autre, parce qu’ils ont des filiales qui vendent les véhicules, ils ont des filiales qui produisent les véhicules, eux-mêmes. Donc, en fait, ceux qui les vendent, les véhicules qui ne sont pas usines, ne devraient pas pouvoir bénéficier de 30%.
Antoine Devresse : Il y a des problématiques exactement par rapport à ça. Une fois que l’inspecteur a identifié ce risque, après, il y a la problématique de comment il chiffre le risque. Et c’est là où c’est quelque chose aussi, qui est un peu méconnu. Mais l’inspecteur a le droit d’aller sur une taxation forfaitaire si on ne lui amène pas des chiffres précis, sur quel salarié a eu, quelle réduction. Et là , il peut y avoir un vrai risque que l’inspecteur estime, si vous ne me donnez pas de chiffres, j’estime qu’on prend l’historique du véhicule, et que chaque salarié a bénéficié d’une réduction trop importante sur un véhicule par an.
Donc, là , le contrôle, c’est 3 ans, donc il va multiplier pour établir un chiffre qui, bien sûr, sera contestable. C’est plus pour faire réagir le cotisant, l’entreprise là -dessus. Mais c’est quelque chose qui peut amener des redressements très importants. Donc, c’est vrai que c’est important de bien avoir des éléments pour démontrer quelles sont les réductions attribuées aux salariés.
Vincent Hagenbourger : En fait, pour être vraiment respectueux, on ne devrait n’attribuer qu’aux salariés de l’entreprise qui produit 30%.
Antoine Devresse : Exactement.
Vincent Hagenbourger : C’est assez compliqué, je suppose. Je ne connais pas de manière détaillée toutes les entreprises, mais je sais que certaines grandes entreprises préfèrent quand même continuer à verser ces avantages. Parce que socialement, c’est plus favorable. Parce que, d’un point de vue, RH, c’est très difficile à retirer parce que ça a toujours été fait. Et comment ça se passe ? À ce moment-là , ils savent qu’ils vont être redressés. Et puis, ça se discute au sein du contrôle.
Antoine Devresse : Alors, en tout cas, parfois, le contrôleur URSSAF a bon dos pour faire changer une pratique. Mais comme tu dis, parfois, socialement, c’est impensable de changer telle ou telle pratique.
Et effectivement, il y a des entreprises qui disent un contrôle, c’est tous les trois ans, voire moins. Ça peut être plus espacé dans le temps. Donc, je prends le risque. Je paierai le même redressement qu’au précédent contrôle. Il y a une pénalité de 10% qui s’applique en plus, qui n’est finalement pas très dissuasive. Les entreprises se disent, je préfère faire plaisir à mes salariés. Du coup, c’est moi qui paierai les cotisations patronales et salariales. Le salarié, ce n’est pas lui qui les paiera, c’est l’entreprise le jour du contrôle. Et voilà , c’est un choix d’entreprise.
Vincent Hagenbourger : C’est toujours une question que je me suis posée, mais en plus, ça devrait être très assujetti à impôts ces choses-là , mais c’est jamais remis dans la base imposable en réalité.
Antoine Devresse : Non, effectivement, il n’y a pas de lien direct, quand bien, même avec la DSN, etc. On pourrait l’imaginer, avec l’informatique. On pourrait se dire, quand il y a un redressement URSSAF, il est individualisable, donc ça a un impact sur l’impôt sur le revenu. Fort heureusement, jusqu’à aujourd’hui, en tout cas, il n’y a pas de lien direct entre l’URSSAF et le fisc pour justement impacter le salarié.
Vincent Hagenbourger : Donc, finalement, le salarié reste de toute façon gagnant parce que ça restera exonéré fiscalement.
Antoine Devresse : Ah mais c’est le bénéfice pour le salarié.
Vincent Hagenbourger : D’un point de vue, RH, pour l’entreprise, on peut comprendre aussi sa motivation à maintenir certains types d’avantages.
Les frais professionnels
Il y a un autre élément, aussi, sur lequel j’aimerais revenir parce qu’on parlait d’avantages en nature côté véhicule, mais on parle aussi frais, professionnels.
Alors, les frais professionnels, je pensais aux déplacements, mais ça n’inclut pas que les déplacements. Je pense aux indemnités kilométriques. C’est facile de verser des indemnités kilométriques non assujetties à cotisations et à impôts. Ça peut augmenter le pouvoir d’achat. Mais il y a aussi les frais de restauration aussi où on rembourse. Ça, c’est une pratique courante des entreprises. C’est un peu de pouvoir d’achat disponible assez facilement. Mais là aussi, ils ne respectent pas bien les règles.
Antoine Devresse : Effectivement, c’est vrai que l’inspecteur n’est pas dupe. Alors peut-être plutôt pour les petites entreprises, mais pas que, tout le monde est concerné. C’est vrai que quand on ne peut pas donner une augmentation à un salarié, on peut lui dire « Tu fais des kilomètres avec ton véhicule perso, je te rembourserai des kilomètres ».
L’inspecteur va regarder de près les salariés pour qui on rembourse des indemnités kilométriques.
Est-ce qu’il y a bien une carte grise, mais surtout, est-ce qu’il y a bien des états détaillés pour justifier de la réalité des déplacements ?
Le barème fiscal, avec le barème, 3 tranches, tout ça, c’est connu de tous, mais ce qu’il faut surtout, ce n’est pas de faire de remboursement forfaitaire. On ne peut pas dire « De par ton activité, tu fais 500 km par mois, donc je te rembourse 500 km ». Non. Il faut pouvoir, jour par jour, trajet par trajet, justifier de la réalité de ces kilomètres.
Vincent Hagenbourger : Donc, ce qu’on fait, c’est un Google Maps ou un via Michelin, ce qu’on veut, je ne vais citer personne en particulier. Mais qui retrace exactement le nombre de kilomètres qui a été parcouru pour aller sur un site client.
Antoine Devresse : Pour que ça soit vérifiable par l’inspecteur, de dire, je suis allé à tel endroit pour tel client, pour telle réunion, avec l’objet de la réunion, pour que ce soit vérifiable. Bien sûr, l’inspecteur ne va pas pouvoir checker, tous les déplacements, mais il faut pouvoir démontrer que c’est réel.
Vincent Hagenbourger : Oui, le côté forfaitaire est complètement à proscrire.
Antoine Devresse : Ah, là , sur les identités kilométriques, complètement.
Vincent Hagenbourger : Et donc, de même, on le rappelle, mais les trajets domicile, lieu de travail, on ne peut pas les indemniser via des indemnités kilométriques exonérées.
Antoine Devresse : Exactement. L’indemnité kilométrique, c’est vraiment un sujet important quand le salarié utilise son véhicule personnel à titre professionnel.
Tu parlais aussi des repas. Les repas, le redressement qu’on voit beaucoup aussi, qui n’est pas toujours facile à chiffrer pour l’inspecteur, mais c’est une situation où il peut peut-être aussi aller sur la taxation forfaitaire. C’est quand le salarié n’est pas en situation de déplacement professionnel et pour autant, on lui rembourse un repas proche de l’entreprise ou proche de son domicile. Là , l’URSSAF considère que c’est un avantage en nature et qu’il faut payer des cotisations sur ce repas-là , qu’il soit remboursé au forfait ou au réel.
Vincent Hagenbourger : Oui, donc ça, c’est la pratique des déjeuners d’équipe, par exemple, qu’on peut faire une fois par semaine. C’est peut-être beaucoup, mais bon, pourquoi pas, j’ai connu des entreprises qui faisaient ça parce que ça faisait plaisir. En fait, ça, c’est dangereux, d’un point de vue, URSSAF, c’est requalifiable.
Antoine Devresse : Exactement. Si c’est ponctuel, il n’y a pas de problème. Si c’est vraiment l’anniversaire de l’entreprise, il y a une tolérance dans le BOSS aussi là -dessus, pour dire si c’est une fois de temps en temps, pas de problème. Au moins une fois par an.
Maintenant, si c’est récurrent, tous les vendredis, on mange à l’extérieur, que ce soit, le salarié seul ou entre collaborateurs, si c’est proche de l’entreprise, ça pourra poser un problème au-delà de la reprise du titre restaurant que le salarié n’aurait pas dû avoir parce qu’on lui rembourse le frais. Il y a des problématiques liées aux frais professionnels qui restent une source importante de redressement.
Vincent Hagenbourger : Oui, donc la bonne pratique, c’est qu’une invitation à côté de l’entreprise, ça doit rester complètement exceptionnel pour passer dans ce qu’on appelle la tolérance URSSAF et de bien décompter les titres restaurant dans ces occasions-là .
Antoine Devresse : Et pour le restaurant, si c’est proche de l’entreprise, si vous êtes accompagné d’un client, pas de problème. Mais si le salarié mange seul ou avec d’autres collaborateurs, c’est là où l’inspecteur, s’il s’en rend compte, dans le cadre de ses investigations, il pourra creuser ce point.
Le sponsoring : points de vigilance
Vincent Hagenbourger : OK, c’est effectivement un sujet sur lequel on n’est pas toujours très vigilant.
Autre point, on en discutait en préparation de cet échange, et en fait, c’est un sujet qu’on connaît moins, parce que ça concerne peut-être des entreprises plus particulières, mais quand une entreprise, une grande entreprise, fait du sponsoring, il y a un point de vigilance à avoir.
Alors on n’y pense pas toujours côté RH, parce que c’est peut-être plutôt au niveau comptabilité que ça se passe, mais c’est un point quand même que je trouvais intéressant d’aborder.
Qu’est-ce qu’il faut veiller à bien faire ? On va prendre le cas typique d’une grande entreprise qui sponsorise une équipe de foot, et comme elle sponsorise, elle attribue des places à des salariés pour aller voir les matchs le week-end. C’est toujours un avantage sympa. Mais là aussi, Il y a un risque URSSAF sur le sujet.
Antoine Devresse : C’est bien ça. En fait, plus largement déjà , c’est de dire, les redressements, ils sont en paye, on en a abordé certains, mais de plus en plus, les inspecteurs, ils vont en comptabilité pour identifier aussi des risques, dont le sponsoring fait partie, où l’entreprise donne 100 000 euros, un club de foot pour avoir son nom sur le maillot. Et parfois, ce n’est pas juste le nom sur le maillot, c’est aussi qu’il y a un lot de places qui sont attribuées en contrepartie, qui ne correspondent pas aux 100 000 euros parce qu’il y a du marketing qui fait qu’il y a une partie qui correspond au flocage, maillot, au terrain, etc. Mais il y a des places. Et les places, l’inspecteur vous dit, alors les places, à qui elles ont été attribuées ?
Il faut pouvoir justifier à qui elles ont été attribués.
Est-ce que ce sont des salariés ? Est-ce que ce sont des clients ? Est-ce que ce sont des lecteurs, par exemple, si c’est un journal. Il faut pouvoir démontrer de la réalité. Quand on ne peut pas, l’inspecteur considère par défaut que ce sont les salariés qui en ont bénéficié.
Vincent Hagenbourger : Et ça, c’est problématique.
Antoine Devresse : Ça peut être une vraie source d’un redressement important pour les grandes entreprises, dont c’est une pratique courante. Donc, la bonne pratique, c’est vraiment de tenir des états détaillés. Pour, match par match, pouvoir justifier de qui était présent par match.
Vincent Hagenbourger : Et donc, si c’est un salarié, là , parce que c’est un point intéressant. Si on offre des places à un salarié, est-ce que c’est considéré comme un avantage particulier qui doit être assujetti à charge ?
Antoine Devresse : Dès l’instant où il y a un CSE, justement, si c’était le CSE qui le faisait, peut-être que ça pourrait passer dans des catégories, spectacle, sport, etc. Là , c’est l’employeur, donc ce sera redressé dès le premier euro. À moins d’expliquer que ce salarié-là , il accompagnait les clients, quelque chose comme ça. Mais si c’est vraiment un pur cadeau aux salariés en disant, il n’y a pas assez de clients qui vont au match, on les distribue au dernier moment. Là , ce serait redressable.
Vincent Hagenbourger : C’est un point important.
Antoine Devresse : C’est vrai que c’est un sujet qui est regardé par les inspecteurs aussi dans les grandes entreprises.
Vincent Hagenbourger : Très intéressant, on n’en parle pas souvent. Là , on a beaucoup parlé des dispositifs en tant que tels, j’allais dire, qui permettent d’avoir des régimes de faveur et donc d’avoir un coût du travail réduit. Mais peut-être, redire deux mots d’un point important, sur la réduction générale de cotisation, parce que c’est un point central. Il y a quelque chose aussi sur lequel il faut être vigilant là -dessus, parce que les bas salaires sont très concernés par ces réductions générales. Mais attention, il ne faut pas faire n’importe quoi dans leurs calculs, parce que là aussi, il y a une petite complexité et je souhaitais qu’on puisse revenir dessus.
La réduction générale de cotisation
Antoine Devresse : On parlait tout à l’heure de la PPV, qui sera intégrée maintenant, donc il faut bien en tenir compte dans le paramétrage. Mais il y a toujours des risques liés au paramétrage dans les logiciels, qui sont normalement de mieux en mieux ficelés par rapport à ça. Mais ça reste une source importante de redressement.
Environ 20% des régules des inspecteurs sont liées à cette fameuse réduction générale de cotisation.
Mais en plus ou en moins, parce que quand on se trompe, ça peut être parfois en sa défaveur. Mais ce que tu voulais peut-être aborder, c’est justement de se dire il y a cette problématique de paramétrage, qu’il faut bien respecter, certes, mais il y a aussi la problématique de tout ce qu’on a vu avant.
Les redressements qu’on a évoqués, l’inspecteur peut se dire, tel frais professionnel, je le redresse, mais du coup, je le réimpacte dans le salaire brut de mon salarié, et donc je recalcule la réduction générale des cotisations, la fameuse Loi Fillon, et donc j’impacte doublement le redressement.
Vincent Hagenbourger : C’est ça, c’est la double peine, puisque finalement, je réintroduis, mais je perds en plus des exonérations, donc en fait, mon coût réel, ça ne va peut-être pas être juste 40 %.
Antoine Devresse : C’est ça. Ça peut arriver pour quelqu’un qui est vraiment au SMIC. Ça peut presque être 100 %. Si on prend le redressement, les 40 à 50 % de cotisations patronales et salariales et qu’on réinjecte et qu’on diminue la réduction Fillon, ça peut vraiment faire des coûts importants.
Vincent Hagenbourger : Oui, ce n’est pas une pénalité. C’est juste que c’est par l’effet de la perte d’exonération que le montant est conséquent.
Antoine Devresse : Exactement. C’est vrai que c’est un peu cette double peine-là . Quand l’inspecteur est en mesure de faire ce calcul individuel, est-ce que c’est quand même un calcul individuel par salarié ? S’il peut le faire, et généralement, il le fait. Et c’est un peu double peine.
Vincent Hagenbourger : Donc ça veut dire que lorsqu’on a des salariés, et il y en a énormément qui rentrent en ce cas, qui sont finalement dans des rémunérations compris entre 1 et 1,6 fois le SMIC pour les exonérations générales mais on pourrait parler aussi du seuil du complément maladie. C’est la même chose. C’est-à -dire qu’il faut faire d’autant plus attention parce que le risque, en tout cas, il faut bien l’évaluer en attention la perte de ces exonérations en cas de redressement.
Bon, cela étant, si on met en place ces sujets-là , parce qu’en tant qu’RH, on a besoin aussi d’avoir une certaine sécurité dans les pratiques qu’on met en place, et on peut se dire, on ne les a pas évoquées, mais l’intéressement.
Quand on met en place l’intéressement, c’est aussi un dispositif qui a des exonérations intéressantes pour les entreprises et qui permet de distribuer des montants assez conséquents, parfois aussi quand les résultats de l’entreprise sont bons. On voit que l’URSSAF propose des rescrits proposent des solutions pour se dire, voilà , « Moi, entreprise, en toute bonne foi, voilà ce que je mets en place. Est-ce que vous pouvez me dire si c’est bon ou pas pour ne pas que dans trois ans, justement, vous veniez me dire « Ah non, mais attendez, vous n’avez pas respecté la réglementation, je réassujettis à cotisation toutes les sommes que vous avez versées sous forme d’intéressement ou de dispositif » ».
Qu’est-ce qu’on doit penser de ces rescrits aujourd’hui, que ce soit pour l’intéressement ou pour d’autres pratiques ? Est-ce que c’est quelque chose de fiable ? Est-ce que c’est quelque chose où « Oui, c’est bien, mais attention » ?
Antoine Devresse : C’est vrai que l’URSSAF essaie de mettre en place des services Mon-interessement.urssaf.fr pour faire un accord d’intéressement qui ne sera pas contestable par l’inspecteur, des choses comme ça. Maintenant, tu parles du rescrit, effectivement, c’est quand même une solution qui obligera l’inspecteur à respecter. C’est-à -dire que c’est une position de l’URSSAF à un instant T et qui sera opposable le jour du prochain contrôle.
Maintenant, l’inspecteur, parfois, je ne dis pas qu’il s’assoit sur le sur le rescrit, mais c’est vrai que s’il arrive à démontrer que la question posée dans le cadre du rescrit n’est pas tout à fait la réalité de la solution qui a été mise en place, il pourra quand même chercher à la remettre en cause. Maintenant, le rescrit, en fonction de la question, encore une fois, c’est vrai que parfois, l’URSSAF peut avoir tendance à faire un peu un copier-coller des textes sans complètement répondre à la question, ce qui n’est pas tout à fait satisfaisant, effectivement.
Vincent Hagenbourger : Donc, c’est quand même une chose à explorer, même si ce n’est pas une assurance tous risques à 100%.
Antoine Devresse : Voilà , et puis c’est ce qu’on peut dire après, la procédure de rescrit social à portée générale a été intégrée au BOSS (Le Bulletin Officiel de Sécurité Sociale), la source opposable depuis 4 ans maintenant, depuis 2021. Et donc, depuis peu, les rescrits sociaux à portée générale ont été intégrés. Donc on peut se dire que, là , c’est juste le début, il y en a une dizaine qui ont été mis. Mais petit à petit, ça va se renforcer. Et on peut espérer, en tout cas, pour ces rescrits-là , quand vous êtes exactement dans la même situation, vous n’aurez pas besoin de faire le rescrit de votre côté. Encore une fois, on ne l’a peut-être pas dit, mais quand vous faites un rescrit, c’est que pour le Siren qui a fait la demande. Donc, voilà , c’est sur le BOSS. C’est un nouveau service que propose l’URSSAF, qui n’est pas à négliger, mais ce n’est pas encore la panacée, tant qu’il n’y en a encore que quelques-uns.
Vincent Hagenbourger : Oui, et pour le repréciser, le rescrit, c’est la pratique qui consiste à expliquer auprès de l’URSSAF ce qu’on fait dans l’entreprise et à valider que le régime qu’on applique sur cette pratique est le bon.
Antoine Devresse : Et en fonction de la réponse de l’URSSAF, l’inspecteur suivant ne pourra pas s’y opposer, théoriquement, ou s’il s’y opposait, ne faire qu’une observation pour l’avenir. Et ça ne vous impacterait que pour le redressement suivant.
Vincent Hagenbourger : Et finalement, c’est une manière de se prémunir contre un risque de redressement.
Bon, on a fait un tour d’horizon assez large, si je puis dire. On pourrait encore en parler de longues heures, mais si on doit synthétiser finalement, ce qu’on s’est dit, c’est que :
OK, dans le contexte qui est celui qu’on connaît aujourd’hui, c’est-à -dire un renchérissement des coûts de masse salariale et probablement encore une hausse de certaines cotisations sociales, on regardera avec attention ce que prépare le gouvernement pour 2026.
Ça peut être quand même très intéressant de regarder de près comment je pilote mes cotisations sociales, quels sont les dispositifs qui me coûtent et quels sont les dispositifs qui me coûtent moins ? Et de se tourner peut-être vers plus de dispositifs qui me coûtent moins. En tout cas, c’est un attrait, il faut savoir l’explorer de manière équilibrée.
Antoine Devresse : Voilà en tout cas, bien préparer les données, les justificatifs de vos éléments. Parce qu’encore une fois, quand il y a un contrôle en 2025, ça concerne les années 22, 23, 24. Donc, l’année 2022, si vous n’avez pas bien préparé les données, c’est vrai que c’est difficile de 3 ans plus tard, de ressortir les éléments. Donc bien, préparer son contrôle, c’est ça.
Vincent Hagenbourger : Anticiper, conserver et attention aux outils. C’est-à -dire qu’il n’y a pas d’outils magiques. Il n’y a que de bons outils s’ils sont bien utilisés. C’est-à -dire, par exemple, moi, je prends toujours ce point, ce n’est pas parce qu’on a un super logiciel paie, bien paramétré, qu’on doit faire l’économie de ne pas conserver les justificatifs transports, par exemple.
Antoine Devresse : Exactement. Voilà , c’est ça. L’inspecteur, lui, voudra des justifications pour les différents éléments que vous aurez mis en place. Et encore une fois, en paye, mais aussi en comptabilité, encore une fois, où là , les inspecteurs, ils trouvent des choses de plus en plus à redire.
Vincent Hagenbourger : Écoute. Merci, Antoine pour l’ensemble de ces éléments, c’était très intéressant. J’espère que toutes les personnes qui auront écouté cet épisode du podcast La Voix des RH auront appris des choses. Et seront plus sensibles pour préparer de futurs contrôles URSSAF. Donc, là , voilà , de bons conseils. Je te souhaite une bonne journée et je vous dis à bientôt sur la voix des RH.
Antoine Devresse : Merci, Vincent, Ă bientĂ´t.
Bonne écoute ! 🎧
Abonnez-vous pour ne rater aucun épisode. Pour ceux qui apprécient nous lire, retrouvez l’intégralité de leurs échanges ci-dessous.
Â
Pour tous ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion d’écouter les premiers épisodes du podcast « La Voix des RH » , retrouvez-nous sur Ausha et sur toutes les plateformes de podcast. Abonnez-vous !
N’hésitez pas à commenter, à poser vos questions : on y répondra avec plaisir !
Vous souhaitez aller plus loin et approfondir votre expertise RH ?
Abonnez-vous à notre newsletter et recevez chaque mois : nos avis d’experts Ayming, actualités du secteur, événements, témoignages, et bien plus encore…
Aucun commentaire