🎙Dans cet épisode de La Voix des RH, Frédéric Ferrer (journaliste, consultant et enseignant à l’ESCP) reçoit Carole Grandjean, Directrice Générale des Ressources Humaines et de la Communication interne du groupe ETAM. Ancienne ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnelle, passionnée par l’humain et les enjeux sociaux, elle apporte aujourd’hui son expérience au service d’une entreprise familiale centenaire en pleine transformation.
Dans un secteur de la mode et du retail confronté à la fast fashion, à l’e-commerce et à l’évolution rapide des métiers, comment le Groupe ETAM repense son organisation, développe les compétences et fidélise ses talents ?
Comment il accompagne ses collaboratrices et collaborateurs vers plus de sens, d’engagement et d’opportunités de carrière ?
Au programme :
- La vision RH du Groupe ETAM face aux mutations du retail
- L’engagement des collaborateurs et la fierté d’appartenance
- La formation, l’apprentissage et la valorisation des parcours
- L’importance du management de proximité et de la communication interne
Un échange riche et inspirant, qui donne un nouvel éclairage sur le rôle stratégique des RH pour construire une entreprise attractive, durable et profondément humaine.
👍 Vous avez apprécié cet épisode ? Partagez vos réflexions et découvrez comment ces enseignements peuvent transformer vos pratiques RH.
Frédéric Ferrer : Bonjour et bienvenue dans ce nouveau numéro de La Voix des RH proposé par Ayming. Un rendez-vous qui réunit des passionnés et qui nous parle de leur passion pour l’humain.
Après le secteur de l’aéronautique et de l’espace, puis celui de la beauté, nous allons parler aujourd’hui de la mode avec notre invitée d’honneur.
Elle est directrice générale des Ressources humaines et de la Communication interne du Groupe ETAM : Carole Grandjean.
Bonjour Carole.
Carole Grandjean : Bonjour.
Frédéric Ferrer : Merci d’être avec nous.
Carole Grandjean : Non, c’est moi qui vous remercie pour cette invitation.
De la politique à la mode : un parcours dédié à l’humain et à l’emploi
Frédéric Ferrer : C’est un plaisir. Carole a un parcours très intéressant, très passionné – je le disais – par tous les sujets liés à l’humain, à l’emploi, au travail, au social.
Elle a été commissaire aux Affaires sociales, commissaire aux Affaires européennes, puis a occupé les plus hautes fonctions de l’État en tant que ministre de l’Enseignement et de la Formation professionnelle.
Elle a également été élue de terrain en Meurthe-et-Moselle. Et aujourd’hui, elle est à la tête de cette entreprise familiale en tant que directrice générale des Ressources humaines et de la Communication interne. Le monde du textile, la mode… vous n’avez pas choisi le secteur le plus facile !
Carole Grandjean : C’est sûr !
C’est un secteur en plein bouleversement, avec de grandes transformations à opérer. Mais c’est un secteur passionnant, avec des collaborateurs véritablement animés par cette passion. Il y a beaucoup de créatifs et, au fond, de nombreuses fonctions qui accompagnent ces créatifs.
Je trouve que c’est un environnement à enjeux, qui rencontre évidemment un certain nombre de difficultés économiques et qui doit repenser sa façon de faire. Mais c’est justement un moment extrêmement intéressant pour les pilotes des ressources humaines.
Frédéric Ferrer : On va y revenir, justement. Il fallait une grande dame pour ETAM – et ça rime ! C’est Carole Grandjean qui est notre troisième invitée pour La Voix des RH.
Carole, je parlais de votre parcours éclectique : un engagement pour l’humain, pour le social, pour le terrain aussi, avec beaucoup d’expertise sur des sujets liés au travail et connectés à la réalité. Ça fait partie de votre ADN, j’allais dire ?
Carole Grandjean : Oui, c’est important pour moi. C’est important d’être proche du terrain, que ce soit en tant qu’élue, lorsque j’étais députée, ou en tant que ministre, d’être vraiment au plus près des Français, de comprendre leurs réalités pour pouvoir agir mieux.
Aujourd’hui, en tant que DG RH du Groupe ETAM, c’est important pour moi d’être aussi au plus près des collaborateurs, qu’ils soient au siège, en magasin, dans nos entrepôts ou sur nos différents sites.
C’est important d’être présente en France, mais aussi à l’international. Je me déplace beaucoup, j’échange beaucoup avec les équipes. J’essaie de comprendre leur métier, mais aussi leur environnement et leurs enjeux, afin d’accompagner l’entreprise et ses transformations au plus près d’eux.
C’est évidemment grâce à mon expertise, acquise dans mon métier de DRH auparavant, mais aussi à mes expériences ministérielles et parlementaires. Ces 8 années ont été extrêmement riches. J’essaie aujourd’hui d’apporter au groupe toute cette expérience acquise, assez polyvalente, assez éclectique – vous l’avez dit –, mais que j’espère riche et solide pour faire face aux défis qui sont les nôtres.
Réformer les lycées professionnels : un enjeu pour l’avenir de la jeunesse
Frédéric Ferrer : Voilà, de nombreux défis. Carole, on parlait de votre engagement au gouvernement : l’apprentissage, le CPF, la VAE, des mesures très sociétales. Je voudrais qu’on y revienne, parce que ces 18 mois ont été très, très intenses. Lycée pro, le lien école-entreprise… qu’est-ce que vous avez voulu faire bouger comme ligne ? Et ça a marché, d’ailleurs.
Carole Grandjean : Pour moi, déjà, l’enjeu était d’accompagner cette réforme des lycées professionnels, de pouvoir la construire.
On savait qu’on voulait agir fort pour les lycées professionnels.
Frédéric Ferrer : Il y avait ce fameux tiers de jeunes…
Carole Grandjean : Exactement. On ne se rend pas bien compte, mais c’est un tiers de notre jeunesse qui passe en lycée professionnel. Ces jeunes-là ont souvent de moins bons résultats, avec plus de décrochage.
Ils réussissent moins à obtenir leur bac et rencontrent plus de difficultés d’insertion professionnelle et de poursuite d’études.
C’était donc un enjeu, à la fois pour l’Éducation nationale, mais aussi un enjeu de société. En tant que parents et en tant qu’entreprises, nous sommes conscients que l’avenir de notre société passe par la capacité de l’ensemble de cette jeunesse à trouver sa place demain.
Réformer les lycées professionnels, c’était agir à tous les niveaux :
- améliorer le niveau scolaire,
- moderniser ces voies professionnelles pour les adapter aux enjeux actuels.
Frédéric Ferrer : Parce que c’était invisibilisé, on ne le voyait pas…
Carole Grandjean : Absolument.
Frédéric Ferrer : C’est la partie immergée de l’iceberg.
Carole Grandjean : Exactement. On le voit encore aujourd’hui : on célèbre le début des épreuves du baccalauréat général, mais on parle très peu du démarrage des épreuves du baccalauréat professionnel.
Frédéric Ferrer : Un désintérêt des entreprises et du système éducatif…
Carole Grandjean : Exactement. Il fallait restaurer le niveau scolaire, mais aussi la capacité de ces jeunes à poursuivre leurs études. Et, comme ils sont en voie professionnelle, leur offrir des perspectives d’insertion professionnelle. Rapprocher le lycée de l’entreprise était un défi majeur.
Nous avons notamment installé des bureaux des entreprises dans chaque lycée professionnel, retravaillé les filières, assumé que certaines filières ne sont plus porteuses et doivent être fermées, d’autres transformées, et de nouvelles ouvertes, notamment dans l’IT ou l’environnement.
Frédéric Ferrer : Parce que l’offre de formation n’avait pas été renouvelée depuis longtemps.
Carole Grandjean : Exactement. Cela nécessitait des investissements. Et c’est là où, probablement, on avait moins agi ces dernières années : accepter d’investir dans le lycée professionnel comme une politique publique majeure. C’était nécessaire, notamment pour cette jeunesse qui a plus de mal à trouver sa voie lorsqu’elle est formée dans des filières qui n’ont plus vraiment de cohérence avec le tissu économique.
C’était pour moi une réforme de cœur, mais aussi de raison. J’ai envie que ces jeunes trouvent leur place et je suis convaincue qu’on ne fait pas société s’ils ne trouvent pas leur place.
C’était aussi une réforme économique et sociétale nécessaire pour préparer les compétences de demain. On sait à quel point nos industries et notre économie ont besoin de jeunes formés aux compétences dont nous aurons besoin.
Carole Grandjean : ETAM, une entreprise familiale en pleine transformation
Frédéric Ferrer : Alors, les entreprises, justement… on en parle. Vous êtes revenue au cœur du réacteur : les ressources humaines dans le Groupe ETAM, avec beaucoup de jeunes dans vos équipes, notamment dans les magasins. C’est une belle rencontre avec une entreprise familiale, Carole.
Je crois que c’est la troisième génération ?
Carole Grandjean : Pour moi, c’est un vrai coup de cœur. ETAM, c’est une belle entreprise française, familiale, plus que centenaire, qui a perpétué un savoir-faire. Aujourd’hui, son PDG est le petit-fils du créateur.
Il pilote toutes les transformations actuelles : RSE, internationalisation, concurrence de plus en plus forte…
Et tout cela avec un ADN qui consiste à dire : « C’est notre bébé. Nous l’avons fait grandir, nous continuons à le faire grandir. Nous voulons qu’il réussisse, qu’il s’épanouisse. Nous voulons que l’ensemble des collaborateurs participe avec nous à ce projet et partage ces convictions chevillées au corps. » C’est une très belle rencontre avec un groupe, à l’origine très français, qui s’est beaucoup internationalisé.
Nous sommes présents dans 57 pays, avec près de 6 000 collaborateurs. Rien qu’en France, nous avons 4 200 collaborateurs, mais l’internationalisation est vraiment un enjeu stratégique pour l’entreprise. C’est clairement un axe de développement que de conquérir ces marchés dans le monde entier.
Frédéric Ferrer : Alors, dans tous ces pays… 57 pays, près de 6 000 collaborateurs. Avec tous ces sujets – vous commenciez à l’évoquer –, la fast fashion, le e-commerce, les process de fabrication qui changent… C’est un vrai tsunami, j’allais dire, mais contrôlé, parce que ça part dans tous les sens, en fait.
Carole Grandjean : On ne peut pas se contenter d’ouvrir un sujet et de se dire : « Allez, on travaille sur ce sujet-là ». Il faut évidemment ouvrir tous les sujets, notamment ceux de la RSE. Et le groupe l’a fait avec beaucoup de conviction, et très tôt.
Nous avons des enjeux liés au textile, à la manière de produire plus justement, dans de meilleures conditions, tant d’un point de vue environnemental que social. Et puis, il y a aussi la féminisation de nos métiers. Nous sommes une entreprise extrêmement féminine, à près de 94 %.
Et, pour une militante comme moi, qui a beaucoup travaillé sur les questions d’égalité femmes-hommes, c’est un sujet important : comment nos collaboratrices trouvent-elles des qualités d’emploi ?
Comment leurs conditions de travail répondent-elles aux enjeux de conciliation avec la vie personnelle ?
Frédéric Ferrer : Comment elles s’épanouissent ?
Carole Grandjean : Exactement, comment elles peuvent progresser.
Frédéric Ferrer : Je crois que c’est même 99 % dans les magasins.
Des métiers très féminisés et porteurs de sens
Carole Grandjean : Sur notre réseau de magasins, nous avons une très forte féminisation des métiers. C’est probablement aussi lié à notre cœur de métier, qui est très lingerie.
Nous avons deux marques de prêt-à-porter – Maison 123 et Iseé – mais aussi trois marques de lingerie : Etam, Undiz et Elivi. Le produit que nous vendons participe probablement à cette féminisation très importante.
Mais, justement, ces femmes doivent pouvoir avoir des parcours professionnels riches. C’est le cas chez nous.
On progresse : on commence hôtesse de vente, on devient adjointe, responsable de magasin, puis directrice régionale. Ces perspectives sont une réalité. Tout l’enjeu pour nous, c’est de les construire, de les renforcer, de les faire vivre et de les faire connaître. Nous voulons que nos collaboratrices aient envie de relever ces challenges.
C’est aussi, pour moi, une mission : donner envie d’avoir des ambitions, de construire ces parcours et de se donner les moyens de progresser. C’est vraiment un groupe extrêmement engagé depuis très longtemps.
Frédéric Ferrer : Vous avez aussi travaillé très tôt sur la réutilisation des sites, sur ces sujets de durabilité. Et il y a cette fierté des collaboratrices d’être dans ce groupe, les perspectives que vous évoquiez…
Cela contribue à rendre le groupe attractif. Je voudrais aussi qu’on parle du maillage territorial.
C’est important, la proximité dans les lieux de vie. Et vous, qui êtes sensible à ces sujets-là, ça vous touche.
Carole Grandjean : Bien sûr. Un groupe comme Etam, avec ses trois marques majeures – Undiz, Maison 123, Etam –, est présent sur tout le territoire. Il fait partie du quotidien des Français et des Françaises.
Pour moi, cela me rapproche de ce que j’ai pu connaître dans d’autres fonctions. C’est la question de l’adaptation :
- Comment répondre aux attentes et aux besoins ?
- Comment s’ajuster à l’évolution de la société, de ses modes de consommation et de ses enjeux ?
- Comment apporter aussi de l’emploi sur les territoires ?
- Comment permettre à nos collaborateurs de s’épanouir, au plus près de leur bassin de vie ?
Nos bassins d’emploi et nos activités commerciales sont liés à la réalité de nos clients et clientes, donc des Français et des Françaises.
Frédéric Ferrer : Comment fait-on, par rapport à ces enjeux ?
Je parlais des nouveaux canaux de vente, de la fast fashion, des marques chinoises, du e-commerce.
Comment trouve-t-on cet équilibre ?
Comment donner des perspectives aux collaborateurs et collaboratrices face à ces bouleversements dans les modes de consommation et les habitudes d’achat ?
En gros, comment la DG RH que vous êtes rassure-t-elle sur l’avenir du métier, par exemple celui d’hôtesse d’accueil en magasin ?
Carole Grandjean : Très tôt, le groupe a voulu être pionnier en matière de RSE. Par exemple, nous avons partagé avec nos collaborateurs la fierté de programmes que nous avons appelés WeCare. Notamment sur le processus de sublimation : comment éviter la teinture par trempage dans l’eau et passer à l’impression directe des couleurs. Très tôt également, nous avons travaillé avec les équipes sur le e-commerce.
Nous avons accepté que le commerce en ligne ne soit pas concurrent de l’activité en magasin. Nos collaboratrices en magasin participent activement à cette dynamique. Nous veillons à ce que les résultats obtenus sur Internet contribuent aussi à la réussite des magasins. Nous faisons en sorte de ne pas mettre en concurrence les canaux. Notre objectif est d’offrir un parcours client 360°.
Une cliente peut consommer en ligne un jour, puis revenir en magasin le lendemain. Ce parcours client est travaillé pour que le magasin reste le lieu de vie et de relation principale avec la cliente.
Frédéric Ferrer : Pour faire vivre l’expérience dans le lieu même…
Carole Grandjean : Exactement. En magasin, nos collaboratrices apportent une véritable expertise : elles prennent les mesures, conseillent avec un savoir-faire corsetier. Cette expertise est entretenue et valorisée grâce à des formations, notamment sur la connaissance produit. Conseiller sur la lingerie, ce n’est pas la même chose que d’acheter en ligne.
Nous prenons les mesures, nous accompagnons la cliente. Ce savoir-faire en magasin reste, selon nous, pionnier dans la démarche de relation client.
Frédéric Ferrer : Carole Grandjean est notre invitée, directrice générale des Ressources humaines du groupe Etam et directrice de la communication interne. On y reviendra tout à l’heure.
Carole, vous parliez d’engagement, de donner du sens aux personnes qui travaillent au contact des clients, mais aussi dans les sites de fabrication.
Cette expérience collaborateur, comment la faites-vous vivre et comment favorisez-vous l’engagement ? Je crois que vous commencez déjà par un diagnostic. Ça nous intéresse.
Carole Grandjean : Oui. Nous faisons des diagnostics de climat social très régulièrement, au travers de huit questions assez simples et toujours identiques. Cela nous permet de suivre l’évolution des réponses dans le temps.
Frédéric Ferrer : Pas beaucoup de questions, donc.
Carole Grandjean : Non, pas beaucoup. Nous avons fait ce choix pour que ce soit facile et rapide à remplir. Nous encourageons vraiment les collaborateurs à prendre ce temps, mais nous savons aussi que si le questionnaire est trop long, nous les perdons.
Frédéric Ferrer : Et ensuite, il faut l’exploiter.
Carole Grandjean : Exactement. Nous avons choisi de cibler nos questions sur la stratégie, les conditions de travail, les relations managériales et la lisibilité des orientations que nous prenons. Nous interrogeons régulièrement nos collaborateurs sur ces sujets, avec des questions identiques, pour mesurer l’impact des actions menées.
Nous organisons aussi beaucoup de moments autour de la stratégie de l’entreprise : les Summer Parties et les Winter Parties. Nous définissons nos orientations stratégiques, mais nous célébrons aussi nos réussites, nous faisons la fête. Cela fait vraiment partie de l’ADN du groupe.
Le rôle clé du management et du collectif dans la performance RH
Frédéric Ferrer : Qu’est-ce qu’on a, sans entrer dans les détails, comme relations avec les managers ?
Carole Grandjean : Oui, on a des questions sur les relations avec les managers, sur la compréhension de la stratégie, sur la cohérence entre cette stratégie et la réalité de leur environnement, sur leurs conditions de travail.
- Est-ce qu’ils ont une conciliation vie personnelle / professionnelle suffisante ?
- Est-ce qu’ils ont les moyens d’agir dans leur métier ?
- Ont-ils à leur disposition ce qu’il leur faut pour être en réussite professionnelle ?
Toutes ces questions sont donc évaluées de manière quantitative, mais aussi qualitative. On travaille vraiment sur cette double approche.
Frédéric Ferrer : Le baromètre de l’absentéisme et de l’engagement aussi, d’Ayming ?
Carole Grandjean : Oui, aussi. Ça fait partie pour nous des sujets : évaluer l’absentéisme et ses causes pour agir dessus. Ensuite, nous organisons des plans d’action avec les managers. En gros, nous avons une trentaine de thématiques dans lesquelles ils piochent, en fonction des résultats propres à leur périmètre.
Si, dans un périmètre, les questions concernent plutôt la lisibilité de la stratégie, la conciliation vie personnelle / professionnelle ou le besoin de feedback du manager, alors ils organisent trois ou quatre actions sur ces sujets-là. S’il s’agit d’autres thématiques, le manager met en place trois ou quatre actions différentes. Nous voulons vraiment des plans d’action ajustés aux besoins exprimés par les collaborateurs, afin de répondre au mieux aux attentes qui ressortent de ces questionnaires.
Pour nous, c’est essentiel :
- travailler sur des réponses concrètes sur les conditions de travail,
- la conciliation vie personnelle / professionnelle (plannings, visibilité sur la stratégie),
- mais aussi organiser des temps conviviaux.
Nous sommes une entreprise créative, avec des métiers qui ont besoin d’inspiration, de tendances, de mode et d’échanges. Nous croyons beaucoup au collectif, qui est, selon nous, la clé de la réussite. Nous avons besoin de l’entretenir et d’avoir une entreprise qui soit tout autant sérieuse dans ses processus, mais également conviviale.
Frédéric Ferrer : Faire sérieusement les choses…
Carole Grandjean : Exactement, ça peut se prendre au sérieux.
Frédéric Ferrer : Exactement. Revenons sur la formation, vous commencez à nous en parler. Ça vous tient à cœur évidemment. Des programmes de formation pour monter en compétence… ça nous rappelle Muriel Pénicaud, que vous connaissez bien.
« J’enrichis mon bagage de compétences sur la connaissance des produits. »
Ça aussi, ça vous tient à cœur sur les parcours clients ?
Carole Grandjean : C’est tous azimuts. En ce moment, nous accueillons nos stagiaires de seconde, une trentaine de jeunes, pour leur faire découvrir les métiers. Ils ont quinze jours de parcours où ils découvrent une trentaine de métiers du groupe, afin de se faire une idée de ce que sont les métiers de la mode, que ce soit dans la gestion, le stylisme, le merchandising ou la vente.
Cela leur permet d’écarter certains métiers qui ne les intéressent pas ou, au contraire, d’en découvrir qu’ils veulent creuser. Nous continuons à travailler avec nos apprentis, évidemment, et sur l’accueil des collaborateurs. Pour moi, le processus d’onboarding est essentiel : comment être une entreprise accueillante, comment embarquer non seulement sur le métier, mais aussi dans la culture du groupe.
Nous avons beaucoup travaillé avec les équipes – et je les remercie, elles ont fait un travail formidable – pour faire de la promesse sociale individuelle et de l’onboarding un moment vraiment consacré à l’accueil.
- Comment donner du sens et du contexte aux collaborateurs qui arrivent ?
- Comment travailler sur leur parcours de carrière ?
Nous proposons donc autant des formations techniques (outils, gestion de l’agressivité client, sécurité, etc.) que des formations plus axées sur le sens, les produits, les techniques de vente, ainsi que sur l’évolution des parcours. Nous avons créé beaucoup de parcours passerelles pour qu’une hôtesse de vente puisse évoluer vers un poste de manager, et pour qu’un manager de magasin puisse devenir manager de région.
Frédéric Ferrer : Ça a tout un sens et ça donne envie de venir.
Carole Grandjean : Absolument.
Former, accompagner et fidéliser les talents de demain
Frédéric Ferrer : On n’a pas encore parlé…
Carole Grandjean : … de la VAE !
Frédéric Ferrer : Bien sûr.
Carole Grandjean : Je suis obligée de le mentionner, car j’ai ramené la VAE avec moi. C’était une réforme qui me tenait à cœur quand j’étais ministre. On l’a réformée, notamment avec France VAE, pour une VAE beaucoup plus digitale, beaucoup plus 21e siècle. Cette VAE a sa place aussi chez Etam. Nous avons lancé notre première promotion VAE.
Tous ces parcours sont aussi une marque de reconnaissance pour nos collaborateurs, un moyen de fidélisation et, en même temps, d’élévation des compétences. Quand on prend conscience de toutes ses connaissances, de toutes ses qualités et des compétences acquises, on grandit dans son périmètre professionnel.
Frédéric Ferrer : Je vois vos yeux qui pétillent…
Carole Grandjean : Je suis passionnée.
Frédéric Ferrer : On parlait de l’absentéisme. État des lieux, leviers d’action… On en est à combien, en pourcentage, pour être clair ?
Carole Grandjean : Nous sommes autour de 6 % d’absentéisme dans le groupe. Ce n’est pas un taux très élevé, en réalité. Il varie selon les métiers : plus d’absentéisme dans nos entrepôts, moins dans les magasins, et encore moins au siège. L’objectif est d’agir principalement là où il y a des enjeux, et d’agir au plus près des causes de l’absentéisme.
Nous avons pris nos chiffres, les avons analysés et épurés des absences de longue durée sur lesquelles nous pouvons moins agir. Aussi, nous constatons un absentéisme perlé, relativement faible, concentré sur certains pôles. Nous avons donc travaillé sur les causes, avec un diagnostic réalisé avec les collaborateurs eux-mêmes.
Ils nous ont expliqué pourquoi, selon eux, cet absentéisme est généré. Ensuite, nous avons travaillé avec les managers, en nous basant sur les retours collaborateurs et nos chiffres, pour élaborer des plans d’action adaptés et objectifs.
Frédéric Ferrer : Et on voit d’ailleurs, dans la dernière édition du baromètre de l’absentéisme et de l’engagement d’Ayming, l’importance du middle management dans ces sujets…
Carole Grandjean : Essentiel.
Frédéric Ferrer : Si on ne les embarque pas, ça…
Carole Grandjean : Essentiel. C’est d’ailleurs une des mesures phares de mon arrivée : j’ai constitué un club des directeurs régionaux. Ce management est stratégique pour moi : il est au plus près du terrain, avec les équipes, dans un rôle d’animation et de transmission de la vision et du sens au quotidien. Il est aussi en interaction directe avec le siège, les orientations stratégiques, le pilotage et la gestion.
Comment réussir à articuler tout cela ? C’est une strate stratégique du groupe, parfois en manque de souffle ou d’inspiration. J’ai voulu que ce collectif vive aussi de manière conviviale, parce qu’on est là pour prendre du plaisir à travailler.Venir le matin avec le sourire est un vrai plaisir pour moi.
Nous travaillons ensemble, nous partageons ce sur quoi nous pensons devoir agir et les priorités à mener. Nous nous sommes encore réunis récemment pour définir nos projets organisationnels, identifier nos irritants et travailler sur les grands projets stratégiques.
Au fond, comment remettre cette strate au cœur du système, afin qu’elle m’aide et m’inspire dans les grandes orientations que je priorise en tant que DGRH pour le groupe.
Frédéric Ferrer : Carole Grandjean fait une remarque très intéressante par rapport à l’absentéisme : ça vient du haut. S’il n’y a pas l’impulsion du Comex – dont vous faites partie – ça ne marche pas.
Carole Grandjean : C’est évidemment nous qui devons-nous saisir du sujet, le porter avec les collaborateurs et, tous ensemble, trouver à la fois les causes et les leviers pour y répondre et apporter les solutions nécessaires.
Frédéric Ferrer : Donc, dans les entrepôts, qu’est-ce que c’est ? C’est la pénibilité, les machines ? Et dans le réseau de distribution, le retail ?
Carole Grandjean : C’est tout un process, en réalité. Ça peut être tout cela, mais aussi la planification de leur activité, le lien avec les grandes étapes qui arrivent en magasin. Par exemple, quand on lance une collection ou lorsqu’on les prévient du dispatching des collections vers les magasins, il faut qu’ils puissent anticiper correctement la charge RH pour répondre à ces grandes étapes.
C’est donc un process global que nous travaillons : la prévisibilité, la formation des équipes, les conditions de travail, le lien avec leur manager et la visibilité qu’ils ont sur les grandes orientations du groupe. On est en entrepôt, mais on fait pleinement partie du collectif.
La question est donc : comment ce 360° doit être animé.
Frédéric Ferrer : Exactement. Et vous l’animez aussi avec des moments de convivialité, Carole, et des partages avec d’autres entreprises. Je sais qu’il y a des échanges avec Christofle, en particulier.
Carole Grandjean : Oui, j’invite en effet un certain nombre de dirigeants que je trouve inspirants. Par exemple, j’avais reçu Émilie Metsch, PDG de Christofle, mais aussi le PDG de Vitalliance et la DGRH du groupe Sodexo.
Chacun d’eux m’a paru inspirant.
- Le PDG de Vitalliance, par exemple, est très présent sur le terrain : il connaît presque tous les collaborateurs par leur prénom et connaît leur parcours.
Il est très impressionnant et très proche du terrain, avec un message fort : « Je suis trois semaines par mois sur le terrain, je manage en direction d’établissement, mais depuis le terrain ». - La PDG de Christofle a beaucoup partagé sur les grandes transformations qu’elle a apportées, notamment sur le développement du marché de la seconde main, la valorisation des métiers manuels et la fierté qu’elle a restaurée au sein de son entreprise.
- Quant à la DRH de Sodexo, elle a mis l’accent sur la valorisation de l’humain et du collectif pour accompagner la réussite de l’entreprise.Nous avons partagé ces expériences avec les directeurs régionaux.
Ces inspirations créent des déclics : elles donnent envie de suivre certains chemins – bien sûr à la mode Etam – et de transposer ces idées dans notre environnement.
En s’inspirant de ce qui se fait autour de nous, nous trouvons aussi nos propres recettes.
Carole Grandjean : absentéisme, engagement et fidélisation.
Frédéric Ferree : Je voulais qu’on parle encore de ces sujets : absentéisme, engagement, sens, fierté du travail, recrutement et fidélisation. Comment, justement, donnez-vous un sens et une envie, avec des perspectives, notamment aux jeunes ?
Carole Grandjean : C’est un sujet majeur, car notre environnement – la mode , les marques – attire beaucoup de jeunes. On attire également beaucoup de jeunes diplômés, notamment grâce à notre politique d’apprentissage et aux recrutements qui en découlent. Nous avons aussi développé de nombreuses relations écoles, notamment avec l’Institut français de la mode et des écoles de commerce.
On est identifié par les jeunes via ce biais-là, et nous avons travaillé notre marque employeur via une question afin de susciter leur envie de nous rejoindre.
« Comment est-ce que le groupe ETAM et ses différentes marques, autant Undiz, Maison 123 et ETAM, trouvent finalement leur identification auprès de ces jeunes et leur donner envie de nous rejoindre ? «
Mais il y a aussi un enjeu de fidélisation : il ne faut pas que ces jeunes voient en nous uniquement une première étape professionnelle avant de partir ailleurs. Nous avons donc créé des parcours jeunes talents, en partenariat avec l’IFM, pour leur offrir une vision plus large que leur périmètre actuel. Un groupe comme le nôtre leur permet de travailler en mode projet, de façon très transversale, et donc d’acquérir des compétences larges.
Ils se préparent ainsi une employabilité beaucoup plus forte, tout en poursuivant leur aventure avec nous. Nous nous engageons à les accompagner au travers de parcours inspirants et élargis, qui dépassent largement leur mission initiale et leur permettent de se projeter dans la culture mode et retail de demain beaucoup plus large et beaucoup plus prospective.
Pour imaginer avec nous quelles pourraient être, demain, leurs prochaines étapes professionnelles.
Frédéric Ferrer : Donc, culture mode, mais aussi culture familiale, entreprise à impact et perspectives offertes à la jeunesse et aux autres. Un point déterminant, c’est que vous associez vos fonctions de directrice générale des Ressources humaines à celles de directrice de la communication interne. Et là, on voit que vous êtes une très bonne communicante sur ces sujets. C’est clé aussi dans un Comex.
Carole Grandjean : Ah, mais c’est essentiel.
Un des enjeux, c’est aussi de faire savoir ce qu’on fait.
Frédéric Ferrer : Parce que la fonction RH est souvent sous les radars…
Carole Grandjean : Exactement, et nous sommes 6 000 collaborateurs. Le parcours que vous lancez, l’onboarding que vous organisez, la formation produit que vous développez… s’ils ne sont pas visibles, identifiés et perçus, par les collaborateurs ils ne s’en saisissent pas. Notre enjeu, c’est donc de faire, mais aussi de faire savoir.
Il faut donner de la visibilité sur les grandes orientations stratégiques, tout autant que sur les dispositifs que nous mettons en place. C’est un enjeu majeur. On a parfois l’impression qu’au siège (600 collaborateurs), tout est bien connu, mais ce n’est pas toujours le cas.
Alors, sur l’ensemble du réseau magasins, entrepôts et pays, il faut évidemment communiquer pour encourager l’adhésion aux dispositifs.
Frédéric Ferrer : C’est donc une question d’humain.
Carole Grandjean : Absolument. Et c’est un plaisir aussi.
Frédéric Ferrer
: On le voit : 4 200 collaborateurs en France, à peu près ?
Carole Grandjean : Oui, absolument.
Message final de Carole Grandjean : la passion du métier RH
Frédéric Ferrer : Quel message souhaitez-vous adresser, pour conclure cet entretien passionnant, aux DRH et aux femmes et hommes de la fonction RH qui nous regardent, concernant votre passion et les enjeux de demain, notamment sur la relation et le lien au travail ?
Carole Grandjean : Pour moi, nous faisons le plus beau métier du monde. Désolée pour les autres métiers, mais j’en suis convaincue ! C’est un métier fort, à la fois pour accompagner les grandes stratégies des entreprises – dans un monde ultra-percuté, ultra-évolutif – et pour porter les transformations qui passent toujours par les hommes et les femmes.
Vous pouvez mettre toute l’IA que vous voulez, cela reste avant tout une aventure humaine, portée par des collaborateurs qui perçoivent la stratégie et y adhèrent. C’est donc un rôle éminemment stratégique, avec une grande responsabilité : réussir la stratégie, faire adhérer aux transformations, emmener les femmes et les hommes avec nous.
Ce n’est pas toujours évident, mais c’est notre rôle de donner du sens et de créer cette adhésion. Le monde du travail évolue et reste très lié à la société. C’est passionnant de comprendre la société pour ajuster nos réponses RH. Nous sommes connectés aux grands enjeux économiques, aux transformations et à la société elle-même.
Ce collectif que nous animons et encourageons est porteur de sens. Alors, restons dans ce plus beau métier du monde.
Frédéric Ferrer : Et voilà, la fonction RH qui s’habille de passion avec Carole Grandjean.
Carole Grandjean : C’est sûr. Merci beaucoup. Et je ne suis pas seule, nous sommes nombreux à partager cette passion.
Frédéric Ferrer : Merci d’avoir été avec nous, c’était un plaisir.
Carole Grandjean : Merci à vous pour cette invitation.
Frédéric Ferrer : Merci de nous avoir suivis pour ce troisième volet de La Voix DRH avec Ayming. : Merci aux Années Folles, aux équipes d’Ayming pour toute la réalisation de cet entretien, ainsi qu’à toutes les équipes qui vous accompagnent, je pense à Eloann ou Aurélie chez vous.
Carole Grandjean: Ils sont formidables, un immense merci.
Frédéric Ferrer : Merci à vous de nous avoir suivis, à très bientôt.
Bonne écoute ! 🎧
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