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La Voix des RH : Actualités sociales 2025 : on décrypte pour vous les dernières mesures !

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Avis d'expert
juillet 2, 2025

Des échanges concrets et dynamiques sur les enjeux RH, des réponses pragmatiques et novatrices apportées par des experts… Découvrez « La Voix des RH » notre chaîne de podcast Ayming !

Ecouter le podcast « La voix des RH »

🎙 Dans cet épisode de La Voix des RH (Frédéric Ferrer, journaliste consultant et enseignant) reçoit Thierry Baril, Chief Human Resources Officer du groupe Airbus.
Depuis plus de 20 ans au sein de l’entreprise, il pilote les ressources humaines à l’échelle mondiale, avec une vision profondément humaine et éthique du rôle de l’entreprise dans un monde en constante mutation.

Dans un contexte global incertain, où les crises géopolitiques, sanitaires et économiques se succèdent, quelle place l’entreprise peut-elle encore occuper comme repère pour les collaborateurs ? Comment Airbus maintient-il le cap, en conjuguant performance industrielle, innovation technologique et responsabilité sociale ?

Au micro :

  • L’engagement et le sens au travail
  • Le leadership à l’heure des transformations
  • L’essor de l’IA et de l’humain augmenté
  • La montée en compétences dans les métiers techniques

Et le rôle clé des RH dans la construction d’un futur durable

Un échange sans détour, inspirant et riche de convictions, pour toutes celles et ceux qui veulent comprendre comment les ressources humaines peuvent, elles aussi, prendre de la hauteur. ✈️

👍 Vous avez apprécié cet épisode ? Partagez vos réflexions et découvrez comment ces enseignements peuvent transformer vos pratiques RH !

Ecouter l’épisode de « La voix des RH » : Thierry Baril (DRH, Airbus) : attirer, former et engager les talents dans l’aéronautique !

Frédéric Ferrer : Bienvenue à vous, je suis Frédéric Ferrer, je suis très heureux de vous accueillir dans cette nouvelle édition de La Voix des RH, ce rendez-vous qui nous permet de prendre de la hauteur avec des invités de marque.

Prendre de la hauteur. Et j’allais dire même prendre de l’altitude avec notre invité d’honneur aujourd’hui.

Et quand on parle d’humain à la question, « y a-t-il un pilote dans l’action » la réponse est : oui. Et j’allais même dire 22 fois oui, puisque voici 22 ans qu’il est dans le groupe Airbus, aux commandes d’abord dans la division hélicoptère des ressources humaines et, depuis 2012, du groupe tout entier, C’est Thierry Baril pour qui l’éthique compte beaucoup.

Thierry, bonjour, Merci d’être avec nous, c’est un plaisir.

Thierry Baril  : Bonjour Frédéric, bonjour à tous. Je suis ravi, également et très honoré que nous puissions nous rencontrer un moment.

Frédéric Ferrer : Un moment de partage, vous connaissez le principe.

Thierry, quel est ton regard quand on est une entreprise, un groupe comme Airbus par rapport à la situation du monde, plus qu’incertaine, avec ces soubresauts que connaît la planète ?

Thierry Baril : Alors, en quelques mots, parce qu’on pourrait y passer de nombreuses heures. Nous nous regardons ce monde avec beaucoup de questionnements.

Ce qui est assez particulier, c’est que depuis des années, tout le monde parlait du monde VUCA (volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté). Ça fait des années qu’on est en plein dedans.

C’est vrai que pour un groupe comme le nôtre qui est international et qui intervient sur très nombreuses activités liées à l’aéronautique, à la défense et au spatial, nul besoin de dire que tout ce qui peut se passer dans le monde, par nature, peut avoir des impacts sur notre activité.

Je ne reviens pas sur la pandémie, lorsqu’on ne voyait plus d’avions dans le ciel, l’impact était visible malheureusement, et fort heureusement, depuis, nous avons pu reprendre une activité extrêmement soutenue.

Chaque fois que l’on voit des crises dans le monde, pour peu qu’il s’agisse de guerre, c’est terrible, c’est plutôt très triste que des humains s’affrontent et en même temps, ça nous rappelle chaque jour qu’être bien protégé, vivre dans un monde qui est sécurisé et qui est un petit peu plus uni, c’est important.

Et finalement, toutes nos activités nous permettent de nous connecter. Le spatial nous connecte. Je pense que vous ne réalisez pas tous que tous les jours, dans l’ensemble de vos communications, vous bénéficiez de la connexion qu’en grande partie Airbus, peut vous assurer. Et ça va au-delà des avions.

Frédéric Ferrer : Quand on est pilote des ressources humaines, quand on est dans le cockpit de l’humain, c’est aussi se dire que l’entreprise est un des derniers remparts et il faut tenir le cap.

Thierry Baril : Il faut tenir le cap parce que c’est vrai que le monde est quand même un peu inquiétant.

C’est vrai qu’on demande de plus en plus à l’entreprise d’être l’élément de stabilité. Il suffit de regarder ce qui se passe dans notre pays et dans nos pays proches, pour tous les jours se dire qu’il y a quand même beaucoup de choses qui sont remises en compte.

Il y a quand même des débats qui sont parfois un petit peu particulier, pour ne pas dire bizarres, qui peuvent être de nature à déstabiliser, à démoraliser, à désengager.

Heureusement qu’il y a le monde de l’entreprise derrière, qui permet de retrouver un sens commun, une vision commune, un objectif commun et une volonté commune.

C’est finalement là qu’on essaie de conserver un ciment dont les humains ont besoin.

Donc, c’est à la fois une fierté, mais en plus, un énorme défi pour l’entreprise.

Frédéric Ferrer : Challenge de tous les jours, on peut dire entreprise providence.

Thierry Baril : Oui, alors providence, si tu t’en souviens, c’était l’entreprise qui faisait de l’assistanat à tout va. Ce n’est pas le cas d’Airbus. C’est une entreprise qui se dit extrêmement respectueuse de l’humain et totalement concentrée sur l’humain.

Frédéric Ferrer : Et qui l’accompagne.

Thierry Baril : Mais, en revanche, qui l’accompagne dans son développement et dans sa performance. Il y a peut-être la petite différence avec d’autres organisations, que je ne citerai pas, qui sont plus providence, et qui n’ont peut-être pas la même vision de la performance.

Frédéric Ferrer : On reparlera de la performance.

Thierry, on parle de cette entreprise, dernier rempart, dans ce monde instable et plus qu’incertain, entreprise industrielle, entreprise dans La Cité. D’ailleurs, tu nous reçois ici au siège d’Airbus, à Paris mais le siège de Toulouse, c’est près de 25 000 collaborateurs et collaboratrices.

Thierry Baril : Surtout, Ne disons pas qu’il y a 25 000 personnes au siège d’Airbus, parce que ce n’est pas du tout le cas.

D’ailleurs, c’est un terme que n’utilisons pas.

Si on prend l’ensemble d’Airbus, 156 000 salariés. La France représente environ 50 000 personnes. L’Allemagne, c’est un peu moins de 50 000 personnes.

Déjà ne serait-ce que sur ces deux pays, on a fait 100 000 sur les 150 000.

Ensuite, il y a l’Espagne et le Royaume-Uni qui sont nos deux autres pays fondateurs.

Et enfin, on a l’ensemble du monde, puisque hors de ces 4 pays fondateurs, on a plus de 35 000 personnes qui travaillent pour Airbus.

Nous sommes effectivement aujourd’hui dans les locaux d’Airbus, à Paris, mais vous avez pu constater que c’est petit, puisque notre activité est toujours proche de nos sites industriels.

Et c’est vrai que le siège de l’entreprise, même si on n’aime pas ce terme, il est à Toulouse. Où se situe le centre de gravité de l’entreprise, mais pas le lieu unique d’activité.

Frédéric Ferrer : Aussi à Hambourg, on est aussi à Mobile aux Etats-Unis, en Chine…

Thierry Baril : Dans toutes les régions du monde. Cependant, ce qui est peut-être intéressant de préciser, car je sais que c’est méconnu, c’est que le site industriel de Toulouse est le plus grand site industriel de France.

Beaucoup de personnes pensent que c’est l’automobile qui possède les plus gros sites industriels. Mais non, c’est Airbus. À Toulouse.

Frédéric Ferrer : Il est très bon en communication, M. Baril, en plus.

Thierry Baril : Non, pas du tout. Quand on rentre chez Airbus, on aime Airbus. On a vraiment envie de parler d’Airbus.

Frédéric Ferrer : Pioneer, sustainable, aerospace for a safe and united world (Pionnier de l’aérospaciale durable pour un monde sûr et solidaire). C’est un sacré motto (slogan).

Je parlais d’entreprise dans La Cité, d’entreprise dans le monde aussi.

Thierry Baril : Oui, alors c’est une phrase, on dit toujours les « purpose ».

Frédéric Ferrer : La raison d’être.

Thierry Baril  : Voilà, c’est la lettre de mission, l’ambition, la vision d’une entreprise.

On pense toujours que c’est un peu du « blabla » et pourtant, chaque mot est choisi. Et chaque mot veut dire quelque chose dans notre culture. Pioneering, donc l’esprit pionnier, c’est quand même ce qui a fait naitre Airbus.

Parce que remettons-nous plus de 50 ans en arrière, le démarrage d’Airbus, en face, il y a un grand Boeing qui fait des avions depuis très longtemps. Et une petite entreprise qui est un peu start-up, finalement, décide d’aller affronter le grand Boeing.

Et on a vu ce qui s’est passé pendant des années, on a construit un Duopole avec notre compétiteur principal, et on est plutôt fiers de ce que Airbus a pu devenir. On l’a fait parce qu’on a toujours cultivé cet esprit pionnier.

Et c’est très important dans notre métier, ayons bien à l’esprit que le ciel n’a pas de limite. Notre métier, c’est de toujours explorer le ciel et l’espace. Donc, plus loin, on ira, mieux, ça sera, mais, il faut avoir cet esprit pionnier.

Sustainable, parce que tout le monde a en tête, l’enjeu du développement durable et l’enjeu, notamment de l’aviation, par rapport à son impact en matière de CO2. Alors, il y a beaucoup de choses qui se disent, je ne vais pas du tout faire du greenwashing. Juste rappeler que l’aviation représente 2,5 ou 3% des émissions de CO2 au niveau mondial, mais c’est important. Nous ne sommes pas en train de le mettre de côté et on prépare les futures générations d’avions, avec un objectif en 2050, on soit net zéro en matière d’empreintes CO2.

Frédéric Ferrer : Il y a un futur A320 qui se prépare déjà.

Thierry Baril : Ça se prépare absolument. Et au-delà de l’A320, on prépare de toute façon les futures générations et on travaille sur de nombreuses briques technologiques.

On ne cherche pas du tout à changer la réalité, on cherche juste à expliquer que notre métier c’est toujours un métier de pionnier et d’explorateur. Et donc, demain, quand vous montrez dans un avion, vous souhaiterez que cet avion soit le plus sûr possible.

Et ça ne s’improvise pas, demain, on ne peut pas tout changer parce qu’on est dans un métier de technologie extrêmement élevé. Je dis souvent en rigolant, à des collègues qui sont dans la tech, que c’est génial mais nous, on est dans la high-tech. On a des cycles qui font que le développement d’un produit prend des années.

Et alors pour continuer, Safe and united world, parce que tous les jours, les entreprises et toutes les organisations sont sujettes à des cyberattaques. Ça fait partie de notre métier de le protéger et de protéger nos propres produits. Mais également l’activité défense, qui permet aussi de protéger des communautés et des populations.

Et puis « united » parce qu’on est juste une toute petite planète, on est juste un tout petit nombre d’humains et c’est quand même vachement mieux quand on s’entend bien. Voilà, donc tout ce qu’on peut faire pour les connecter ces humains. Ça fait partie de la mission et du sens qu’on essaye de donner chez Airbus.

Frédéric Ferrer : Et ta mission aussi, puisque tu connectes toutes les femmes et tous les hommes du groupe Airbus partout dans le monde.

Thierry Baril : Pas seul, avec des formidables équipes absolument.

L’engagement : Le mesurer et surtout agir !

Frédéric Ferrer : La passion, l’engagement, justement, on en parle.

Une entreprise engagée, évidemment, ça favorise l’engagement aussi.

Ton regard par rapport à ça, par rapport à des sujets d’absentéisme, aussi, à des sujets de satisfaction et d’engagement au travail.

Thierry Baril  : Je pense que le combat sur l’engagement, qui a débuté il y a des années de cela, on se préoccupait beaucoup de la satisfaction, on avait envie d’avoir des employés satisfaits.

Mais la différence entre la satisfaction et l’engagement, c’est l’enthousiasme.

C’est-à-dire que quand on vient au boulot en étant satisfait de ce qu’on fait, c’est très bien, mais ce n’est pas suffisant.

Quand on vient en ayant la volonté de pousser les montagnes, de changer les choses, d’avoir une contribution, ça, c’est de l’engagement. Et c’est ça qu’on essaye de mesurer en permanence.

Et le monde dont on parlait, ce monde un peu fou, et tous ces stress ambiants, qui, finalement, ont un impact de plus en plus négatif sur l’humain, font qu’on est vraiment obligé de cultiver cette culture de l’engagement.

Il y a plein de raisons pour beaucoup de personnes de baisser les bras, de ne pas avoir la pêche, de ne pas être super motivé.

Frédéric Ferrer : Tu parlais de la période Covid aussi, où il y avait moins de collectifs, il n’y avait plus la machine à café.

Thierry, Si on entre un peu plus en détail sur les enquêtes que tu mènes et tout ce que tu développes avec tes équipes, ça a commencé en 2009, je crois.

Thierry Baril : C’est ça. En 2009, comme beaucoup d’autres entreprises, on n’était pas les seuls. On a considéré qu’il était important régulièrement de venir mesurer le niveau d’engagement. En même temps on mesurait également le niveau de performance de nos leaders. On essayait de faire des corrélations pour voir quels étaient nos bons leaders et ceux qui avaient, comme on le dit dans un verbage Ressources Humaines, des points de développement.

Frédéric Ferrer : Des points d’amélioration.

Thierry Baril : C’est ça.

Dans un premier temps, c’était tous les ans, après, c’est devenu tous les deux ans. Et puis, au fur et à mesure des années, on s’est retrouvé avec 80, 90, 100, 120 questions. Donc, ça ne fait plus du tout de sens.

Chacun a rajouté son propre petit questionnement dans le questionnement global de l’entreprise. Donc, on est en train de passer à des choses qui sont facilitées aussi par les outils numériques, dont le digital qui nous apporte plein de possibilités.

Frédéric Ferrer : Ça veut dire que tu vas aller vers quelque chose de plus instantané ?

Thierry Baril  : Exactement.

De l’Instant Surveys, comme dirait les anglo-saxons, donc du questionnement en temps réel.

Qui fait qu’un.e manager, un.e leader, peut à tout moment décider de valider le niveau d’engagement de son équipe.

Non seulement, on va récupérer des éléments statistiques sur un nombre de questions beaucoup plus réduit, mais qui touche à peu près tous les domaines qui sont de nature à générer de l’engagement. Mais également avoir beaucoup de verbatim, ce qui est très important, au-delà de la statistique, ça permet quand même de voir où on se situe et de se mesurer, parce que tout ce qu’on mesure, peut nous permettre de nous améliorer.

Frédéric Ferrer : De voir la courbe de progression.

Thierry Baril : Exactement.

Le verbatim est très important, car souvent, il y a des perceptions.

Tu parlais de communication, en communication, tout est perception.

Donc, derrière la perception, il faut essayer de comprendre, là où il peut y avoir des points d’amélioration. De plus en plus, chacun s’est approprié la mesure de l’engagement.

Ce n’est pas simplement une grande enquête d’entreprise qui peut faire avancer les choses. C’est véritablement dans chaque secteur, chacun se sentant responsable avec son équipe, de faire avancer les choses.

Frédéric Ferrer : Alors, comment tu fais avec tes équipes, justement, pour sensibiliser les managers et leur dire : voilà, ces résultats précis, à la fois qualitatifs et quantitatifs, vont vous permettre de monitorer, de piloter ce que vous pouvez faire pour favoriser l’engagement, développer la performance et faire que le groupe soit encore plus dans une évolution positive.

Thierry Baril : C’est un entraînement permanent, c’est un peu comme le sport, Il ne faut surtout pas lâcher.

Ça fait de nombreuses années, comme on le disait, que nos managers, nos leaders sont habitués à ce que le sujet soit un sujet central. Alors, en fonction des priorités des uns et des autres, ça peut être plus ou moins bien géré.

On entretient ce besoin-là. On entretient la nécessité de le faire. Mais il faut quand même reconnaître que la plupart de nos leaders, l’ont maintenant complètement intégré dans leur mode de fonctionnement.

Cela étant, ce qui est important, c’est l’action. Parce que mesurer, c’est bien. Récupérer du feedback c’est super. D’ailleurs, développer de la culture du feedback, c’est encore mieux.

Donc ça aussi, ça a été l’objet pendant de nombreuses années, chez Airbus, de parler de speak-up, de donner à chacun la possibilité de pouvoir s’exprimer.

Et on peut très bien faire du speak-up en étant respectueux les uns des autres. Mais il faut se dire, les choses, car derrière, c’est l’honnêteté, c’est simplement être franc, être direct, aborder les sujets, pas tourner autour du pot. Et ce n’est pas toujours, la force des entreprises d’adresser les choses.

Frédéric Ferrer : Il y a beaucoup de non-dit.

Thierry Baril : Absolument.

Donc, on essaye d’être de moins en moins dans le contrat invisible et de plus en plus dans la relation ouverte qui fait que nos leaders sont très entraînés, normalement, à générer du feedback, à recevoir du feedback, à essayer de faire avancer les choses.

Frédéric Ferrer : Ce qu’attendent de plus en plus aussi les salariés.

Thierry Baril : Complètement.

Frédéric Ferrer: Dans la série non-dit, il y a quelque chose qu’il faut dire aussi.

Airbus, après Covid, vous avez des scores, qui font partie des entreprises où les personnes se sentent le plus engagées.

Thierry Baril : Oui, alors c’est aussi une grande fierté.

La première, d’ailleurs, est très liée au sentiment d’appartenance qui est extrêmement fort.

Donc, la fierté qui est derrière, l’engagement, justement, dont on parlait, qui a progressé au fur et à mesure des années.

Et c’est vrai qu’on bénéficie aussi, par rapport à la phrase que l’on décortiquait tout à l’heure, finalement, d’un niveau d’attractivité sur le marché, qui est extrêmement élevé.

Ce qui est très rassurant parce qu’au sortir de la pandémie, on se posait quand même beaucoup de questions. D’autant que beaucoup de personnes avaient vraiment tiré sur l’ambulance pendant que l’aviation était quand même à genoux, pour la mettre si possible à plat ventre.

Frédéric Ferrer : La bête à abattre.

Thierry Baril : Malheureusement, souvent, sans connaître notre secteur et l’intérêt de notre secteur et sa contribution au monde et aux humains.

Et fort heureusement, on a pu constater non seulement un regain d’attractivité, mais en fait un super regain d’attractivité. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, on a la chance d’être souvent nommé, cité ou mesuré comme parmi les entreprises les plus attractives de France, d’Europe et du monde.

Frédéric Ferrer : C’est une grande fierté.

Quand on parle d’engagement, il y a aussi ce qui se passe sur le terrain.

Parlons un peu de ce travail à distance, le collectif que tu évoquais, la passion qu’ont les gens, la fierté qu’ont les collaboratrices et les collaborateurs du groupe Airbus d’être dans cette maison.

Ton regard par rapport à ça ?

Le télétravail : Un modèle hybride pour maintenir le collectif

Thierry Baril

Télétravail, c’est bien la question en fait ?

Donc tu sais que c’est mon sujet favori.

En fait, c’est un peu ironique parce que non, ce n’est pas du tout mon sujet favori.

Frédéric Ferrer : Tu vas l’aborder de façon claire, je sais.

Thierry Baril : Oui, toujours, on parlait de franchise.

À un moment donné, je pense qu’on était tous ravis de voir qu’on avait cette capacité de pouvoir continuer d’opérer à distance les uns des autres. À condition que ça se fasse pendant un certain temps, qui soit le plus limité, possible.

Parce que, juste avant de m’exprimer sur ce qu’on appelle nous « hybrid working », parce qu’on parle anglais chez Airbus, pardon. Donc le travail hybride.

Rappelons-nous quand même que l’absentéisme que tu citais tout à l’heure très rapidement, peut avoir une grosse corrélation aussi, avec le fait qu’on ait une isolation à force de travailler à distance.

Et pour nous, c’est un sujet important. Être sur le lieu de travail, c’est cette possibilité de vivre le lien social, tout le monde le dit, mais c’est plus que ça, c’est de co-définir, co-développer, co-innover, co-responsabiliser. Tous les mots sont en co. Et ce sont des mots positifs.

Frédéric Ferrer : Et ils commencent de la même manière que collectif.

Thierry Baril : Mais exactement. Et on ne l’a même pas du tout préparé, mais c’est tout à fait ça.

Quand on est à distance, je me permets de vous rappeler que derrière un écran, on est en 2D. Nous, on préfère le 3D. On préfère être avec des vraies personnes, en vrai, dans le même lieu physique, où il y a d’autres émotions qui passent. Et il y a quelque chose d’autre qui se passe.

Frédéric Ferrer : Les valeurs ne passent pas en vidéo, je crois, jusqu’à présent.

Thierry Baril : Je trouve que c’est beaucoup plus compliqué. Alors, on est, comme toutes les entreprises, on a la possibilité de travailler chez nous jusqu’à deux jours par semaine, en moyenne en télétravail. Et bien évidemment, c’est plus du travail que de la télé, donc c’est moins de la télé que du travail.

Frédéric Ferrer : Le message est passé.

Thierry Baril : Et quelque part, on voit bien, puisqu’on le mesure régulièrement, que c’est globalement très respecté. Et surtout qu’il suffit de venir sur nos sites pour se rendre compte qu’on a une forte présence physique. Parce que je pense que tout le monde comprend bien l’intérêt d’être ensemble.

Donc, c’est vrai qu’on ne fait pas partie de ces entreprises qui, un jour, ont décidé de considérer qu’on pouvait être complètement tous à distance.

Et d’ailleurs, anecdote, je me battais il y a quelques années, de façon tout à fait amicale, avec Catherine Gestin, qui est notre DTO, notre patronne du digital chez Airbus. Elle me disait, « Thierry, il faut absolument, pour les effectifs informatiques (IT), qu’on ait la possibilité d’offrir du full remote », c’est-à-dire du télétravail à 100%.

Je reconnais que je ne voulais pas. Pour les raisons que je viens d’exprimer et que j’ai voulu tenir. Et Catherine me disait à juste raison, à l’époque, attention parce que ça peut avoir un impact sur notre attractivité.

Finalement, quelques années plus tard, ce n’est pas le cas, puisqu’on a pu réaliser tous les recrutements qu’on souhaitait faire.

Frédéric Ferrer : Même les jeunes générations

Thierry Baril : Même surtout, les jeunes générations.

Et la petite fierté de Catherine Gestin, parce que c’est surtout grâce à elle, parce qu’elle fait un super boulot.

C’est que cette année, en France, on était l’entreprise la plus attractive pour les effectifs, IT. Donc, comme quoi, il n’y a pas non plus de corrélation entre le fait d’avoir la possibilité de travailler dans sa cuisine ou de travailler sur les systèmes d’information d’Airbus.

Frédéric Ferrer : Alors, l’engagement. Thierry, on parle de ce travail à distance.

Dans ton titre, il y a quelque chose qui est très important, c’est « chargé du Workplace » aussi. Alors, justement, quand on parle d’engagement, il y a aussi l’environnement de travail, la QVT, tous ces sujets-là.

Ton regard par rapport à ça, parce que peu de DRH ont aussi cette deuxième casquette.

Thierry Baril : Oui, alors, j’ai cette chance et elle est liée aussi un peu à mon ancienneté, à la connaissance de l’entreprise. Je suis passionné, comme beaucoup d’autres RH par le business de l’entreprise. Et, j’adore avoir cette responsabilité qui, en fait, regroupe tout ce qui est hygiène, sécurité, Facility Management et Real estate. Parce que ce sont des moyens d’être proches.

Et puis l’amélioration de la Workplace et tous les investissements que nous réalisons. Et on imagine bien que dans une entreprise comme la nôtre, où en fait, nos usines sont des cathédrales, en termes de taille, les investissements industriels représentent une part extrêmement importante de l’investissement global d’Airbus.

Donc, c’est très sympa, en tant que DRH, d’avoir la possibilité d’avoir une autre casquette qui permet tous les jours d’être proche du monde industriel.

Frédéric Ferrer : Alors je te coupe, ça veut dire quoi ?

On parlait de travail à distance, de Covid, où il manquait la machine à café.

C’est quoi ? C’est la machine à café, ce sont les sanitaires, tous ces petits détails ?

On avait Jean-Claude Legrand qui était notre précédent invité, qui disait « moi je vais dans les usines, je vais voir un peu tout, y compris ces détails » .

Thierry Baril : Il a bien raison, notre ami Jean-Claude, que je salue au passage, parce que voilà un autre grand DRH, que je ne compare pas à moi quand je dis un autre. Mais un grand DRH.

Oui, pour revenir à ta question. Quand on fait du Facility management, ça a souvent pas une très belle image. On investit des milliards dans l’outil de production et dans les moyens de production.

Dans l’outil de production et les moyens de production, il y a toute la partie humaine de ce qu’on appelle la workplace, c’est-à-dire l’environnement de travail de tous les jours. Et beaucoup d’entreprises, et c’est notre cas, dans leur valeur, mettent le mot respect. Mais le respect, il commence à l’entrée dans l’entreprise. C’est-à-dire que si on n’a pas les bons sanitaires, si on n’a pas les bons vestiaires, pour que les personnes puissent se changer dans des conditions optimales, respectueuses. On ne peut pas être une boîte qui va parler de la valeur respect.

Et dans des entreprises comme la nôtre, même si nous n’avons que finalement plus de 50 ans, en fait, on utilise souvent des moyens de production qui ont 80-100 ans. Et on est en permanence…

Frédéric Ferrer : …avec les risques de TMS.

Thierry Baril : Oui, parce qu’avant Airbus, on faisait déjà des Aéronefs en France, par exemple, et en Allemagne et ailleurs. Avec l’aérospatiale et d’autres entreprises qui ont fait la naissance d’Airbus.

Et donc, cette obsolescence, il faut la gérer en permanence. Et quand on investit dans des nouveaux moyens, c’est beaucoup plus simple, mais on pense véritablement au respect humain que l’on doit à minima. Et c’est vrai que ça passe par des choses qui paraissent basiques, mais qui sont super importantes dans la vie de tous les jours.

Et je suis ravi d’en avoir la charge quelque part.

Le sens : ADN de l’entreprise responsable

Frédéric Ferrer : Et nous ravis que tu t’en occupes.

Thierry, ce livre, « Le sens ADN de l’entreprise responsable » auquel tu as largement contribué, j’aimerais qu’on en parle, parce que c’est vrai que tu es très engagé sur ces sujets de sens, d’éthique.

J’ai envie de dire, « pas de sens = pas d’engagement ». C’est un peu ça ?

Thierry Baril : Oui, alors, juste peut-être, et non pas pour corriger Frédéric Ferrer, parce qu’il est toujours parfait dans ses verbatims.

En fait, je me suis engagé, mais comme beaucoup d’autres collègues et amis.

C’est un ouvrage collectif réalisé par le Cercle Societics, que j’ai eu la chance de présider depuis très nombreuses années.

C’est un tout petit cercle de gens passionnés par l’humain, tout simplement, de dirigeants qui ont comme mission personnelle de se dire : « qu’est-ce que je peux faire chaque jour pour faire avancer le monde de l’entreprise, pour le rendre toujours plus performant, mais en mettant toujours l’humain, finalement devant, dans son développement et dans sa grandeur ».

Et en fait, quand on a fait ce bouquin, on était en plein Covid, non pas qu’on était sous-occupés, au contraire. Mais on a considéré que c’était la bonne période pour le faire. Et d’ailleurs, on l’a fait en plus à distance. Donc, la façon de l’avoir construit est bien.

C’est un recueil de témoignages, avec une enquête que l’on avait réalisée à deux reprises à un an d’intervalle.

Il est intéressant par le fait que vous avez en fait la vision d’un certain nombre d’acteurs, qui sont des acteurs qui connaissent très bien l’humain et qui peuvent vous parler de l’intérêt du sens, de la mission dans l’entreprise, de la motivation, de l’engagement dont on parlait. Et du fait de gérer des collectifs ou de générer des collectifs pour qu’on soit toujours meilleurs tous ensemble.

Frédéric Ferrer : Qu’on me donne, l’envie, l’envie d’avoir envie ? C’est ça ?

Thierry Baril : Oui, alors celle-là on l’a déjà faite ensemble, parce qu’apparemment, on aime bien tous les deux Johnny Hallyday.

Mais c’est vraiment le fait de donner envie chaque jour. Créer du sens, c’est un des basiques de l’engagement. Et chaque jour, venir dans une entreprise et se dire « Waouh, je viens dans une société qui va me permettre d’avoir une contribution à une cause qui est très largement supérieure à mon propre moi-même et où j’ai l’impression de pouvoir faire quelque chose qui compte et qui fait du sens. ». Je pense que ça décuple.

Et c’est vrai que c’est ça qu’on est, nous, censés générer. Alors, il ne faut pas l’inventer, ça ne peut pas être un mensonge. Il faut, après le gérer dans les actes de tous les jours, mais il faut au moins créer les conditions pour qu’on ait tous envie d’avoir une contribution qui nous dépasse.

Notre activité, c’est le partage d’une passion commune : voler !

Frédéric Ferrer : Donner l’impulsion.

Comment tu fais pour donner l’impulsion et que ça se traduise par des faits concrets quand tu es dans une entreprise multisite, multiculturelle ? Je ne sais pas combien de nationalités, plusieurs centaines.

Comment est-ce qu’on fait justement, on en parlait tout à l’heure, avec le moto qui fait que ça engage les personnes.

Thierry Baril : Alors on a une chance extraordinaire, c’est qu’on reste une activité qui compte beaucoup de passionnés. Il y a beaucoup de gens qui, tout petits, ont eu envie de voler. Et c’est le rêve d’Icare.

C’est vrai que c’est un élément quand même qui nous caractérise. Cette passion, elle est souvent née très jeune. Et des personnes qui ont rejoint Airbus, finalement, rêvaient depuis très longtemps de rejoindre Airbus, et tant mieux.

Et chaque année, je suis ravi de voir qu’il y a de plus en plus de personnes qui ont envie de rejoindre Airbus.

En 2024, on a eu 1 100 000 candidatures pour rejoindre Airbus, dans le monde entier. Donc ça vous permet de voir effectivement à quel point on peut générer cette attractivité dont on parlait.

Donc le métier lui-même, génère de la passion, et ensuite la passion, il faut tout simplement l’entretenir. Sans faire de jeu de mots, c’est le fuel de l’entreprise, c’est le kérosène de l’entreprise, c’est ce qui coule dans nos veines.

Chaque jour, on se dit, on est en train de faire un truc extraordinaire. On réinvente chaque jour la façon dont on va voler. Actuellement, on peut même dire qu’on est en train de réinventer l’aviation de demain, l’exploration spatiale de demain et les systèmes de défense de demain pour être des pays pacifiques et bien protégés.

Frédéric Ferrer : Une sorte d’Airbus attitude.

Thierry Baril : C’est un peu, ça, oui.

L’évolution du leadership et du rôle de leader

Frédéric Ferrer : Thierry, pour que ceci se fasse, il y a des leaders. Je sais que le leadership, transformer, faire évoluer le leadership, c’est aussi quelque chose qui t’anime.

Le leader a évolué, quel rôle aujourd’hui pour un leader ?

Thierry Baril : C’est un rôle très important.

Je fais exprès de répondre aussi bêtement que ça, parce qu’on pense tous que c’est simple d’être responsable d’autrui, et on sait depuis des années que ce n’est pas le cas, et que ça nécessite beaucoup d’expérience, beaucoup d’entraînement, beaucoup d’humilité.

Frédéric Ferrer : Pour toi, c’est un travail de longue haleine, depuis au moins 15 ans.

Thierry Baril : Oui, c’est une passion.

Je pense que le rôle des leaders est absolument clé dans l’entreprise, puisque sans vision, sans ambition, sans donner du sens, sans donner le cap, sans donner les moyens d’eux et sans galvaniser un collectif, on n’a pas les mêmes résultats.

Pour moi, ils sont essentiels nos leaders.

C’est vrai qu’on y travaille depuis de très nombreuses années pour en permanence se requestionner sur ce qui fait qu’une personne ayant une charge d’âme, pardon pour le terme, on me dit souvent que j’exagère dans ce propos, mais moi, j’y crois.

Ca va au-delà simplement de conduire. On n’est plus dans le Command and Control, donc on peut avoir un niveau d’exigence. On peut être extrêmement demandeur, alors demanding en anglais, mais extrêmement respectueux et extrêmement humain dans notre façon de le faire. Mais ce n’est pas évident.

Je dis souvent dans des écoles d’ingénieurs pour provoquer, que mon boulot est simple vis-à-vis notamment d’ingénieurs, c’est de les aider à tout simplement greffer sous la peau des capteurs sensoriels et émotionnel.

Voilà, c’est ça, mon boulot, c’est assez simple. En fait.

Frédéric Ferrer : Il y a une université, la Leadership University.

Tu parles justement des leaders qui sont pour beaucoup des ingénieurs, puisqu’on est dans une entreprise de high-tech.

Comment est-ce que tu fais pour que la greffe prenne ? Parce qu’il faut non seulement être people-centric et puis, en même temps, parce que ce n’est pas un gros mot, il faut être performant.

Thierry Baril : Il faut être performant et il faut avoir cette sensibilité-là.

Les choses ont beaucoup évolué, parce qu’il n’y a quand même pas si longtemps que ça.

Je me souviens il y a une vingtaine d’années, les ressources humaines, c’était encore une science molle. Donc, par rapport à des sciences d’ingénierie, on va dire peu considérées parce peu de gens se rendaient compte à l’époque de l’intérêt que ça pouvait avoir d’avoir une équipe pour des humains, pour eux-mêmes et pour une entreprise.

Les choses ont beaucoup évolué, fort heureusement. Donc, on investit beaucoup dans nos programmes de développement. On a aussi tout un parcours de carrière qui fait que pour être du First Line manager, donc, on rentre et on commence à avoir une responsabilité d’équipe jusqu’à devenir un leader de leader un jour.

On passe par un certain nombre d’étapes avec des programmes de développement, avec des assessments, avec des Development centers. Donc, tout l’attirail classique des grandes entreprises pour quand même mettre un certain nombre d’étapes où on va venir mesurer que les personnes qui ont cette responsabilité vis-à-vis d’autrui sont au niveau.

Et ce n’est pas toujours facile, mais c’est vrai qu’on a une expérience qui a plutôt fait ses preuves jusqu’à maintenant.

Frédéric Ferrer : Performance, c’est un gros mot pour certains ?

Thierry Baril : Non, ce n’est pas un gros mot.

Maintenant, chacun peut avoir sa définition de la performance.

Et c’est vrai qu’on peut se contenter d’une performance ou on peut se dire en permanence : On doit se requestionner sur notre performance.

Tout simplement parce qu’il y a tout un tas d’événements exogènes qui viennent perturber l’entreprise. Et Dieu sait si ces dernières années, on aurait plein d’exemples à citer.

On sait que gagner en compétitivité, c’est absolument nécessaire parce qu’on n’est pas tout seul sur nos marchés. On voit bien, même dans un duopoly qui est en train de devenir d’ailleurs un triopoly, avec la Chine, qui devient de plus en plus active.

On est obligé en permanence de se remettre en cause et on ne peut surtout pas s’endormir sur ses lauriers. Et surtout pas dans des métiers où il y a une notion de safety qui est très importante, de sécurité. Je disais tout à l’heure, chacun rentrant dans un avion a envie que ça se passe très bien. Et c’est notre responsabilité.

Quelque part, on ne peut pas simplement se laisser vivre. Il faut toujours aller au-delà, toujours être plus performant en gagnant, mais pas en gagnant au détriment d’eux. C’est en gagnant au bénéfice d’eux.

C’est vrai que je pense que nos humains, chez Airbus, sont entraînés à aller toujours plus loin. Et nos leaders sont entraînés à les entraîner.

DRH : un rôle de copilote ?

Frédéric Ferrer : Tu parlais de pilotage, On est avec Thierry Baril, directeur général des Ressources humaines du groupe Airbus.

Le pilotage, justement, avec Guillaume Faury (Directeur Général d’Airbus), c’est pilotage à deux ?

Comment ça fonctionne ?

Thierry Baril : C’est plutôt la notion de collectif.

On n’a pas de numérotation, comme dans James Bond, où vous avez le numéro 3, vous savez, qui disparaît dans la trappe. Non, c’est pas du tout, le style de la maison.

Frédéric Ferrer : En tous cas, il y a le rôle stratégique de la fonction RH.

Thierry Baril : Oui, déjà, Guillaume, dans son style, est plutôt dans le collectif et, en plus, le valorise. C’est un leader qui est globalement très humble dans sa façon d’être et qui s’appuie quand même sur un certain nombre de compétences autour de lui.

C’est vrai qu’on a cette chance chez Airbus d’avoir une fonction ressources humaines qui est vue comme stratégique et qui pèse dans les décisions de l’entreprise. C’est quelque chose qu’on a développé au fur et à mesure des années.

Je suis obligé de dire qu’il y a quelques années, je me souviens d’être entré dans ce groupe il y a plus de 20 ans, ce n’était pas tout à fait le cas, mais comme dans beaucoup d’entreprises. Donc, on a beaucoup travaillé à notre positionnement, mais pas simplement parce que c’est important d’être important. C’est important d’avoir de la valeur ajoutée. Donc, il a fallu faire la démonstration de la valeur ajoutée pour pouvoir gagner en crédibilité et en légitimité.

Et c’est vrai que c’est aujourd’hui aussi un élément important pour toutes nos équipes, pour toutes mes équipes. C’est de se sentir reconnu.

Ça fait partie de l’engagement.

Le développement des talents. De tous les talents.

Frédéric Ferrer : On parlait tout à l’heure des indicateurs, des KPI, c’est vrai qu’il y en a beaucoup et ça compte dans un comex.

Thierry, les talents, on en parlait tout à l’heure, leur développement, c’est quelque chose qui te tient à cœur. Beaucoup de choses sont faites pour développer les talents, quel que soit leur âge aussi.

Thierry Baril : Quel que soit, leur âge, absolument. Et pourquoi pas, d’ailleurs.

Frédéric Ferrer : Non, mais c’est vrai que parfois, on se dit, on a ces sujets en France :

  • La retraite,
  • Les jeunes versus les seniors.

Chez Airbus ?

Thierry Baril : Chez Airbus, on a toutes les générations. Je ne sais même pas le nombre, on doit avoir 5 générations. Et c’est ça, la beauté.

Je pense qu’on le dit tous, la diversité et l’inclusion, c’est vachement important. Non, mais c’est vraiment important. C’est-à-dire qu’on voit bien que les équipes, quand elles sont diverses, sont de toute façon plus efficaces, plus solidaires, plus performantes.

On parlait de performance. Pourquoi, parce qu’à un moment donné, on doit trouver un dénominateur commun.

Moi, je me souviens, il y a 15-20 ans, quand on développait, par exemple, nos activités en Inde. Je voyais nos collègues qui disaient, « bah, ouais, mais enfin, nos sous-traitants en Inde ». Je disais, non, non, ce ne sont pas vos sous-traitants, ce sont nos collègues d’Airbus.

Aujourd’hui, on n’a plus du tout ce type de pensée. Pourquoi, parce qu’à l’époque, quand on était gadzarts, on aimait bien que ses collègues soient gadzarts. Je cite les gadzarts, ils sont très bien. J’aurais pu citer une autre école.

Mais aujourd’hui, avoir une équipe qui est diverse du fait de ses nationalités, des expériences, de leurs origines sociales, de leur genre, c’est beaucoup plus efficace.

On est obligé de toujours chercher le dénominateur commun pour bosser ensemble et pour être efficace ensemble. Et donc, finalement, ça challenge un système. Donc, c’est positif.

Frédéric Ferrer : Donc, pas de jeunisme…

Thierry Baril : Ni d’anti-seigneurisme. Non, non, pas du tout.

On a des exemples tous les jours où on va cultiver l’expérience. Nous sommes dans des métiers dans lesquelles l’expérience compte aussi énormément.

Un tiers de nos recrutements va se faire avec des très jeunes, sortis d’école ou deux ou trois ans d’expérience, c’est même un peu plus d’un tiers, je crois qu’en 2024, ça devait être 40% de nos recrutements.

Frédéric Ferrer : Université des talents.

Thierry Baril : Absolument, mais au-delà de ça, on a également un recrutement de personnes extrêmement expérimentées, parce que c’est important, il faut aussi parfois avoir un peu de bouteille dans nos métiers. Et c’est un senior qui vous le dit.

L’IA chez Airbus, c’est l’humain augmenté

Frédéric Ferrer : Parce qu’il y a du savoir-faire derrière.

Thierry, entreprise de high-tech, Airbus, tu le disais.

L’intelligence artificielle, c’est vraiment en haut de la pile, tout le monde en parle, qu’elle soit générative ou autre.

Intelligence artificielle, robotique, tous ces sujets, le regard de Thierry Baril ?

Thierry Baril : C’est d’abord notre monde d’aujourd’hui, mais ce n’est pas un monde nouveau.

C’est le mot génératif qui est peut-être nouveau. Mais l’intelligence artificielle, dans des métiers comme les nôtres, ça existe depuis 15-20 ans. Ça doit faire plus de15 ans que l’on développe des avions sur des maquettes numériques. C’était le terme de l’époque, d’ailleurs. Mais c’était déjà de l’intelligence artificielle.

Quand on parle de workplace, lorsqu’on va construire des stations de travail pour nos compagnons, on l’a de toute façon déjà développé en 3D. De telle façon qu’on s’assure de la capacité de nos collègues, êtres humains, à pouvoir travailler dans des conditions optimales, en termes aussi d’ergonomie, et pas que de performance industrielle. D’ailleurs, Les deux vont ensemble, souvent.

Donc, c’est permanent chez nous depuis de très nombreuses années. Ce que l’on voit juste aujourd’hui, c’est cet engouement que le monde a pour l’intelligence artificielle générative, qui permet de donner un accès à tout un, à chacun. À des capacités, effectivement, qui n’existaient pas il y a quelques années.

Frédéric Ferrer : C’est l’humain augmenté

Thierry Baril : C’est notre vision.

Ça doit être l’humain augmenté et ce n’est pas obligatoirement la techno qui prend tout de suite la place de tous les humains. Mais, comme dans toute révolution technologique, ça arrivera sur un certain nombre de métiers, sur un certain nombre de responsabilités, de professions, de compétences. Le tout, c’est de l’anticiper.

Ce que je vois, c’est que dans nos ateliers, l’arrivée, déjà de l’intelligence artificielle, depuis quelques années, a permis à nos compagnons plutôt à monter énormément en compétences.

Et on parle souvent des activités de riftage qui se réalisait à force de la main et du bras. Il fallait être costaud pour pouvoir faire ce métier. Aujourd’hui, bien évidemment, on a des cobots, qui vont faire le boulot. Pour ne pas dire parfois des robots, qui font même la totalité de la tâche.

Mais qu’est ce qui s’est passé pour le compagnon ?  Il a simplement évolué. Dans la conduite de l’ensemble de cet environnement.

Ce que j’aime, c’est la technologie et l’humain ensemble. Pas l’un face à l’autre ou l’un contre l’autre, c’est ensemble. Et c’est plutôt comme ça que l’on voit chez Airbus le développement et l’arrivée de l’ensemble de ses capacités.

La monté en compétences des compagnons

Frédéric Ferrer : Tu parlais des compagnons, de leurs compétences. Justement, il y a un programme qui te tient à cœur, un projet RH, Skills and Competencies.

Explique-nous un petit peu de quoi il retourne.

Thierry Baril : On redéveloppe cette année un programme phare. C’est-à-dire qu’en fait, pour nous, c’est une permanence. Régulièrement, on remet un grand coup dans l’entreprise en disant « là à nouveau, ça redevient une grande priorité ».

Et pourquoi maintenant ? Tout simplement parce qu’on commence à vraiment préparer les compétences à venir pour la préparation des générations futures de nos produits.

En fait, c’est très simple. On peut mettre plein de termes de GPEC derrière. En français, c’est « regardons les compétences que nous avons, regardons celles dont nous avons besoin demain». Est-ce que nous sommes tous capables d’ailleurs d’avoir une lecture de la compétence de demain à un horizon de 2 ans, 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans ?

Pas toujours.

Ceux qui nous disent « oui, bravo ».

Donc nous, on est très humbles par rapport à ça.

Régulièrement, on retravaille des scénarii pour identifier nos gaps. Et en identifiant nos gaps, on en détermine comme ça une politique RH en matière de recrutement, de formation, de développement et de mobilité.

Voilà, c’est aussi bête que ça.

Mais en ce moment, on est à nouveau dans le moment où on dit, allez, tout le monde sur le pont pour retravailler à fond sur les compétences de demain.

Quand les RH prennent de la hauteur : Le message de Thierry Baril

Frédéric Ferrer :On passe beaucoup de temps et de plaisir avec Thierry Baril.

On arrive au terme de notre entretien, de notre échange, la voix des RH.

Quand les RH prennent de la hauteur, quel message tu aurais envie d’adresser à toutes celles et tous ceux qui nous regardent et qui sont passionnés par l’humain et par le pilotage de l’humain ?

Si tu as peut-être un regard par rapport à cette fonction, comment elle a évolué ?

Thierry Baril : Quel beau métier déjà, mais quel métier difficile.

Pendant des années, mon surnom, je l’ai appris après coup, c’était Bob L’éponge apparemment. Parce qu’en fait, on éponge beaucoup quand même les émotions négatives de tout le monde.

Mais heureusement, Il y a aussi beaucoup d’émotions positives. C’est ça en fait, qui nous drive.

C’est un très beau métier, et c’est ce que j’essaye de partager avec mes équipes en permanence, parce qu’on a cette chance d’intervenir sur ce qui est aujourd’hui dans le monde de l’entreprise le plus riche, le plus complexe, le plus varié, le plus divers, le plus inattendu.

Et dans un monde d’incertitudes, on ne peut pas avoir de certitudes par rapport à l’humain. Mais on peut avoir au moins la volonté d’avoir la certitude de faire quelque chose qui va faire du sens pour ces humains.

Donc, c’est génial comme métier. Mais il faut s’élever, il faut se remettre en cause, en permanence.

Ce que je ressens peut-être comme risque pour un avenir proche, c’est le fait que nos fonctions redeviennent des fonctions très transactionnelles. Et c’est dommage parce qu’en plus, on est au moment où l’intelligence artificielle, justement, nous permet d’être de plus en plus rapide et efficace sur le transactionnel.

Concentrons-nous sur notre vraie valeur, RH, là où nous sommes compétents, parce qu’on peut aider, je pense, beaucoup de gens extraordinairement bons et qui, parfois, ont des petits trous dans la raquette quand même quand on parle de l’humain.

Voilà, donc nous, notre boulot, c’est de continuer de nous battre pour faire la différence et pour que l’humain ne devienne pas simplement la variable d’ajustement qu’on a pu vivre dans certaines périodes des dernières décennies, mais bien ce qui fait tous les jours l’intérêt de vivre en tant qu’humanité.

Frédéric Ferrer : Oui, et que la fonction RH ne soit pas l’intendance, comme on dit.

Ça veut dire aussi, si je te lis entre les lignes, Thierry, que la fonction a peut-être du mal à se réinventer, à réinventer ses fondamentaux ?

Thierry Baril : Non, je ne crois pas.

En revanche, la fonction a du mal à se réinventer des modèles d’organisation.

Donc, beaucoup de personnes se disent comment je pourrais organiser.

En fait, ça fait 20 ans maintenant qu’on est sur les fameux modèles Ulrich, où on a des piliers avec des HR BP, des HR Services et puis des centres d’excellence. Pour moi, l’organisation n’est pas l’élément le plus important.

Cependant, c’est comment est-ce qu’on fait bosser une organisation en tant que one pour simplement avoir du process, de la compétence technique, du back office, qui est extrêmement solide pour avoir ensuite de la puissance de feu au niveau du Front office.

Mais non, on peut se réinventer tous les jours, parce que tous les jours, on voit bien que nos challenges, ils sont extrêmement variés. Quand on prend deux minutes pour s’intéresser à la compétence Ressources humaines, c’est énorme. Le nombre de compétences, la palette d’activités qui est la nôtre, et dans chacune de ces activités, il y a plein de choses à faire formidables pour l’avenir.

Le nouveau plan de vol de Thierry Baril

Frédéric Ferrer : Alors tu parles d’avenir, justement, le 16 juin prochain, ce sera ton dernier salon du Bourget, salon de l’aéronautique et de l’espace avec Airbus.

Départ programmé donc. Si on regarde l’avenir, Thierry ?

Thierry Baril : Oh, plein de choses dans l’avenir, parce que ça tombe bien, on fait la transition.

Il y a tellement de choses à faire que j’ai la faiblesse de penser que je pourrais peut-être demain aider un certain nombre d’organisations dans leur développement, dans leur transformation, dans leur restructuration. Ce n’est pas un mauvais mot, parce que quand on se restructure, on se réinvente.

Donc je vais me réinventer également. Mais ça, c’est pour les mois qui viennent. Pour l’instant, jusqu’au 30 juin, je suis concentré. 100% Airbus.

Frédéric Ferrer : Permets-moi et permets-nous de regarder avec toi dans le rétroviseur des fiertés.

Beaucoup de fierté.

Thierry Baril : Beaucoup de fierté. C’est une fierté collective, ce n’est pas une fierté individuelle.

On a beaucoup parlé aujourd’hui de notre positionnement dans l’entreprise, de la légitimité qu’on a pu acquérir. Ça, c’est sans doute la plus grande fierté.

Et puis la fierté d’avoir pu participer à toutes ces transformations.

Frédéric Ferrer : Tu as fait grandir un groupe, tu disais plus de 150 collaborateurs.

Thierry Baril : Airbus s’est vraiment élevé pendant des années. Et c’est vrai que quand je repense à Airbus d’il y a 23 ans, qui était déjà une société formidable, C’est pour ça que j’avais envie de la rejoindre. Et Airbus d’aujourd’hui, c’est incroyable, le travail qui a été réalisé.

Ce qu’Airbus est devenu, et ce qu’Airbus est en voie de continuer de devenir. Parce qu’il y a un développement pour l’avenir qui est juste illimité.

Frédéric Ferrer : Oui, on a vu toutes ces choses qui se sont passées. Internationalisation, la période Covid aussi, il y a eu l’A380.

S’il y avait un événement qui t’a marqué, ce serait lequel ?

Thierry Baril : L’événement le plus marquant, c’est sans nul doute le Covid.

Là aussi, c’est une fierté, parce qu’on a été, je pense, collectivement, tellement attachés à notre boutique. Pardon de l’expression, parce que c’est assez prétentieux, ça ne l’est pas en fait. Mais on a été collectivement très bons dans notre façon de se dire « Comment est-ce qu’on sauve notre boîte tout de suite, demain ? ».

Et lorsque le message était « restez chez vous », nous on s’est dit « non, c’est pas possible, nous si on fait ça, on coule cette société. »

Donc, comment est-ce qu’on s’organise pour, dans cette période-là qui est nouvelle, qui est incertaine pour tout le monde, avoir un minimum d’activité qui nous permet de ne pas lâcher non seulement l’outil industriel d’Airbus, mais l’ensemble du mécano industriel.

Parce que, derrière ça, on a des dizaines de milliers de fournisseurs, des entreprises qui peuvent être grandes, parfois qui peuvent être très petites. Et il n’était pas question de lâcher, de mettre les clés sous le paillasson et de se dire, on verra dans quelques mois comment ça se passe.

Et la plus grande fierté, c’est non seulement de l’avoir fait, mais de l’avoir bien fait. A l’époque, bien évidemment, le niveau d’exigence sanitaire était au max. Et ce que j’entendais tous les jours, c’était nos salariés qui disaient, « c’est extraordinaire ce qu’on fait, ce que vous faites, parce que je viens bosser, je me sens extrêmement sécurisé ». On avait tous sécurisé, c’était plus que la distanciation et un petit masque. Ça allait beaucoup bien au-delà de ça, bien plus au-delà de ça.

Ça, c’est une grande fierté parce qu’on a sauvé notre société, qui a pris quand même un trou dans l’air assez important. Mais on sait que les avions sont aussi faits, parfois pour vivre les turbulences.

Frédéric Ferrer

Oui, les trous d’air, et qui en partent ensuite.

Thierry Baril, The Eyes in the Sky.

Thierry Baril : The Eyes in the Sky, il y a tellement de choses.

Frédéric Ferrer : Oui, voilà. Merci beaucoup, Thierry d’avoir été avec nous, d’avoir été notre invité.

Thierry Baril : Avec grand plaisir et j’espère que ça vous a intéressé. C’était long quand même, non ?

Frédéric Ferrer : Oui, mais bon.

Thierry Baril : Bon, tant mieux.

Frédéric Ferrer : Merci à vous de nous avoir suivis.

La voix des RH avec Thierry Baril, le directeur général des ressources humaines et des Workplace du groupe Airbus. C’était notre invité.

Merci aux équipes Ayming, évidemment, et aux équipes des années folles. Et puis, à très bientôt, pour un nouveau rendez-vous avec un nouvel invité.

Bonne écoute ! 🎧

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