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Requalification des entrepôts en établissements industriels

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En matière de fiscalité, la notion d’activité industrielle est définie de manière différente selon les dispositifs auxquels elle se rapporte. Pour la taxe foncière (TF) et la cotisation foncière des entreprises (CFE), cette question est essentielle. C’est pourtant la jurisprudence qui, encore aujourd’hui, fixe les règles… bien souvent au détriment des contribuables.

Il faut remonter à 2005 pour comprendre les sources de cet épineux problème…
Cette année-là, le Conseil d’Etat (Société des Pétroles Miroline, n° 261899) considère comme industriel – au sens de l’article 1499 du code général des impôts (CGI), et évalue comme tel, au regard de la TF et de la CFE – un établissement dont l’activité nécessite d’importants moyens techniques alors même qu’aucune production de biens n’y est réalisée. Les juges avaient assorti leur arrêt de considérations techniques et chiffrées permettant la mise en place de garde-fous (importance et prépondérance des installations, prorata du poids des matériels par rapport au montant total des biens immobiliers, importance de la surface au sol des équipements, de leur hauteur, nombre d’employés…).

Si ces critères sont encore naturellement étudiés avec la plus grande attention par la jurisprudence, il parait aujourd’hui indéniable que l’administration, dans le cadre de ses contrôles, s’exonère d’une telle exigence en se contentant bien souvent de constater la présence de ces matériels.

C’est ainsi que les locaux appartenant au secteur de la distribution, de la logistique, du commerce de gros ainsi que certains locaux techniques (datacenters par exemple) sont considérés par l’administration comme industriels.

Les conséquences financières sont énormes et vont, dans les cas les plus graves, jusqu’à questionner la pérennité de l’activité. En effet, de telles requalifications visant à substituer aux superficies, le prix de revient des biens passibles de taxe foncière (terrains, constructions, agencements des bâtiments et certaines installations techniques) conduisent généralement à une augmentation mécanique de l’imposition très importante.

Ces requalifications peuvent toutefois être contestées en invoquant, pour ce qui est de l’importance des moyens techniques mis en œuvre, une approche bilancielle de ceux-ci et, pour ce qui est de leur prépondérance, une comparaison de leur rôle avec celui des autres facteurs de production nécessaires à l’activité (tel que le facteur humain).

La double peine en Ile-de-France

Précision importante pour les locaux franciliens : la loi exonère de taxe sur les bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage (TB), les locaux dans lesquels s’exerce l’activité de production ou de transformation de produits ou de biens quel que soit le secteur d’activité de l’entreprise (agro-alimentaire, artisanal ou industriel). C’est-à-dire les « vrais » établissements industriels.

En revanche, la doctrine impose tous les locaux (entrepôts, hangars, silos, dépôts, plates-formes logistiques multimodales, garde-meubles…) utilisés à usage de stockage.

C’est pourquoi un entrepôt important peut être qualifié par l’administration fiscale d’établissement industriel, au sens de l’article 1499 du CGI, pour l’évaluation de la TF, et être imposé à la TB sur la base de son activité ainsi que de l’absence d’activité industrielle dans son acception communément admise !

Des facteurs aggravants

Si, dans le cadre d’un contrôle, la requalification d’un établissement commercial en local industriel est avérée, l’administration pourra être amenée à pousser son avantage.
S’il est communément admis que les éléments principaux d’un bâtiment, tels que les fondations, les murs et la toiture, répondent favorablement au critère de la perpétuelle demeure et qu’ils constituent un bien immeuble, c’est-à-dire des biens passibles de taxe foncière, qu’en est-il des agencements, au sens large, d’un établissement industriel ?

Le CGI dispose que ne sont pas imposables d’une part, les outillages proprement dits et, d’autre part, les biens d’équipements spécialisés, c’est-à-dire les immobilisations qui sont intégrées directement et matériellement dans le processus de fabrication, de transformation ou de manutention et servent spécifiquement à l’exercice de l’activité professionnelle. L’exonération concerne tous les biens de l’espèce qu’ils soient assimilables ou non à des constructions (article 1382-11° du CGI).

C’est, notamment, autour de ces dispositions que s’est cristallisé, un contentieux important. La tendance récente parait être en faveur de l’administration. C’est ainsi que des installations techniques intégrées directement et matériellement dans les processus industriels, précédemment exonérées, sont taxées aujourd’hui (détection et extinction incendie, mezzanines de stockage démontables, traitement d’air spécifique, etc.).

Il est donc indispensable de veiller à ce que l’administration, au moment de déterminer la valeur fiscale du site logistique faisant l’objet d’une requalification, identifie de manière mesurée les biens passibles de taxe foncière.

Vers un changement salutaire ?

Face à la pression fiscale intense que subissent les entreprises du secteur et l’inquiétude légitime qu’elles éprouvent quant à la requalification des entrepôts en locaux industriels, les choses semblent évoluer.

Suite au débat parlementaire sur le projet de loi de finances 2018, le gouvernement s’est engagé à mettre en place une commission qui doit remettre prochainement un rapport au Parlement. Ce rapport devrait proposer d’une part une gestion des cas litigieux en cours et d’autre part une clarification de la doctrine fiscale pour l’avenir.

Un groupe de travail, constitué sous la forme d’une commission mise en place en février et piloté par la Direction générale des finances publiques, est chargé d’entendre les organisations professionnelles et de rédiger un rapport qui devra émettre un certain nombre de préconisations.

Xavier Porée, Consultant Expert Fiscalité locale
Noémie Marchal, Chef de produit Fiscalité

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