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Covid 19 : littérature et solutions QVT à prendre avec circonspection

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Chaque année au mois de juin, la semaine de la Qualité de Vie au Travail (QVT) est organisée, afin de revenir sur les pratiques mises en place dans les entreprises et impulser une dynamique pour développer de nouveaux projets. A cette occasion de nombreux conseils sont prodigués et l’on peut rapidement se perdre dans la multitude des préconisations.

Notre experte, elle, a choisi de vous proposer des pistes de réflexions loin des solutions toutes faites. 

1. « Télétravail » versus « travail à la maison »

2. Ré-accueil : voici Covid, votre nouvelle collègue de travail

3. « L’écoute avant l’action »

4. Le « sensemaking » Redonner du sens pour la reprise d’activité

5. « Mise en place accrue de télétravail, risque accru de cyberattaques !»

Depuis mi-mars nous avons été abreuvés de littérature et parfois de solutions « clés en mains » quant à la gestion de la crise sanitaire qui nous a frappée… J’ai beau revoir l’ensemble des films existant sur les pandémies, genre que j’affectionne particulièrement, aucun n’avait prédit ce scénario catastrophe de nous retrouver enfermés avec nos enfants 24h/24 et en plus à devoir leur faire classe !

Plaisanterie mise à part, il est indéniable que cette crise exceptionnelle inédite a bouleversé nos organisations, toutes nos organisations : personnelles mais également professionnelles. En ont découlé profusion de conseils, d’articles et de textes réglementaires.

Concernant la réglementation en premier lieu, il a en effet fallu adapter de nombreuses exigences et délais au contexte de la crise et du confinement : « Le nombre est historique – il faut remonter à 1958 pour trouver un précédent équivalent : c’est bien le signe que l’urgence dicte sa loi » (Edouard Philippe, 25 mars 2020).

Concernant l’organisation du travail ensuite, les articles se sont multipliés sur les bienfaits du télétravail, sur la nécessité de ré-accueillir et réengager nos salariés, sur les conditions techniques de l’accueil post-confinement…tout cela sur fond de reprise économique à mettre en place rapidement. Mais l’heure est venue de faire un peu de tri !

En effet, ce télétravail « de circonstance » qui s’est imposé est-il vraiment le même que celui qui prend difficilement son essor depuis plusieurs années ? Et que penser du terme de « réengagement » face à certains salariés qui n’ont jamais cessé d’être pleinement impliqués depuis mi-mars ? Sans parler du terme de « distanciation sociale » auquel on pourrait habilement substituer celui de « distanciation physique », souvent plus approprié… Attention, donc, au sens des mots, attention aux solutions toutes faites… Nos préconisations de reprise doivent être réfléchies sereinement, une fois les collaborateurs écoutés, une fois les diagnostics posés, avec un management de proximité au rendez-vous, et en redonnant du sens, s’il le faut, à l’expérience que nous venons de vivre…

Pour cette semaine de la QVT, je ne saurais que conseiller aux entreprises de prendre leur temps, de ne pas sauter d’étapes et de prendre avec circonspection les conseils qui fleurissent çà et là sur nos réseaux sociaux.

1. « Télétravail » versus « travail à la maison »

par Carole Podymski, Consultante référente QVT et Veille réglementaire HSE 

Nous avons pu lire de nombreux articles sur le télétravail mis en place pendant le confinement et de fait, « 95% des entreprises ont eu recours au télétravail en période de confinement contre un tiers d’entre elles en temps normal »[1]. Autrement dit encore, « 89% des Français télétravaillant pendant le confinement signalaient ne pas avoir l’habitude de télétravailler au 26 mars »[2].

 Mais attention : si ce télétravail « de circonstance » a eu la couleur et l’odeur du télétravail, force est de constater qu’on était plus proche d’un « travail à la maison parce qu’on n’a pas le choix » que du télétravail tel que défini dans le code du travail et dans les organisations du travail avant le confinement. Étymologiquement la racine « télé » signifie loin et si l’on était, certes, loin de l’employeur et de nos collègues, ce n’était pas le cas concernant notre conjoint et/ou nos enfants.

Ce qui a été accepté avec humour par notre employeur ou nos clients (votre fille de 3 ans qui arrive pendant une web-conférence et raconte sa vie) était lié au contexte particulier et ne devrait pas perdurer.

Si l’on revient d’ailleurs à sa définition, le télétravail correspond à « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Or les « locaux de l’employeur » étaient fermés, il n’était donc plus possible d’y effectuer quelque travail que ce soit et pour un certain nombre de télétravailleurs, les technologies de l’information et de la communication n’étaient pas au rendez-vous. Entre autres…

 Il est important également de souligner que l’essor fulgurant du télétravail survenu aura fortement été lié au contexte et non à la volonté des employeurs. En effet, en dépit de l’ordonnance Macron de septembre 2017 venue assouplir le régime juridique du télétravail dans un objectif de le développer, cet essor est resté très timide jusqu’à ce que les grèves de décembre janvier, puis plus encore la crise sanitaire, nous l’imposent de manière massive et impromptue.

Edouard Philippe a indiqué fin mai que le principe du recours au télétravail devait toujours être privilégié.  Et de nombreux « télétravailleurs du confinement » souhaitent continuer de télétravailler à l’avenir[3].  Soyons donc vigilant et précis envers eux car le télétravail « de circonstance » mis en place depuis mi-mars n’a pas suivi les règles et précautions nécessaires permettant d’assurer un télétravail efficace et pérenne.

Redéfinissez avec vos équipes ce qui est attendu du télétravail afin de pouvoir passer d’un télétravail « de circonstance » à un télétravail de constance[4]. Et vérifiez si vos managers sont prêts pour cette nouvelle organisation du travail. En effet, ces nouveaux modes relationnels basés sur la confiance réciproque et l’autonomie ne sont pas « acquis d’avance »[5].

2. Ré-accueil : voici Covid, votre nouvelle collègue de travail

par Julien Jarry, Consultant en Qualité de Vie au Travail

 Chaque entreprise a déjà connu son lot de difficultés économiques, de restructurations, de changements d’organisation, de longues maladies, de salariés en difficultés psychologiques, sociales, d’accidents et parfois de morts. Mais jamais tout ça en même temps !

S’il manquait un cas d’école illustrant l’importance stratégique du management de proximité dans la performance globale de l’entreprise, le voilà !

Quelles méthodes managériales permettent efficacement de gérer l’après Covid, quel que soit le contexte de départ : chômage partiel ou total, télétravail, activité normale voire renforcée, maladie ?

Pour que le manager puisse rester aux commandes, il doit accompagner son équipe en fixant le cadre et les priorités non négociables : la santé, la sécurité et le bien être psychique. Pour l’y aider, l’écoute active et bienveillante des salariés permettra de détecter, d’analyser et d’agir.

En temps normal, l’exercice est déjà ardu et souvent traité par un court entretien hiérarchique. Le travail est aujourd’hui perclus de paradoxes et de contraintes en lien avec la Covid 19. Face aux enjeux et pour être efficace le « ré accueil » devient un travail de fond, dans la durée :

  • Le ré-accueil sécurité en tant que tel

Les nouveaux paramètres de travail changent les risques, en intègrent de nouveaux. Les fiches de poste « à jour » doivent être présentées, commentées, illustrées, reformulées, tracées dès que possible. Pour les salariés revenant au travail, il faut organiser ce ré accueil dans les meilleurs délais.

  • Un briefing lors des prises de poste

Les priorités bousculant les urgences, le rappel régulier des règles essentielles par le manager reste un incontournable. Si c’est important, alors on le dit, et souvent.

  • Visibilité, exemplarité, crédibilité

La sortie de crise amorcée rebat les cartes des modèles de management habituels. La défiance peut être présente, tout comme la confiance peut être renforcée. Plus que jamais le manager doit être au rendez-vous : par l’exemple, la constance, la présence sur le terrain et l’écoute active.

  • Des échanges réguliers au poste

C’est sur le terrain que les paradoxes et incohérences se matérialisent. C’est là qu’il convient d’être, pour observer, écouter, comprendre, faire émerger les solutions et engager les actions réciproques.

3. « L’écoute avant l’action »

par Anthony Van Hulle, Consultant en Qualité de Vie au Travail – psychologue du travail

 De nos jours, au sein de la sphère du travail, de nombreux articles mettent en avant différents profils de salariés, tous ces profils étant plutôt « orientés action » : dynamique, flexible, créatif, réactif, orienté solution… Nous sommes en effet dans un monde qui encourage l’action, l’opérationnalisation, la flexibilité. Cette dynamique nous a toujours poussés à avancer, explorer et nous développer.  Bien que cette approche puisse apparaître comme vertueuse, elle peut également susciter des écueils.

À la suite d’une situation de crise ou durant celle-ci, nous agissons souvent par instinct de survie.  Nos émotions sont exacerbées, nous voulons que la situation de rupture avec nos routines professionnelles cesse. Nous pouvons alors nous débattre comme de beaux diables dans le but de nous reconnecter, le plus rapidement possible, avec notre environnement sécuritaire d’avant.

Au sein de cette dynamique, dans une situation de crise, nous devons toutefois prendre le temps de nous poser et de nous interroger : qu’en est-il de l’état mental et physique de nos Ressources Humaines, principaux acteurs du monde du travail » ?

Il est nécessaire de prendre un temps pour l’écoute, pour apprendre à découvrir ce qui impacte ou non nos collaborateurs, savoir ce qui les perturbe ou les place en difficultés. Ce temps d’écoute est la condition, bien souvent mise de côté ou trop rapidement abordée, pour maintenir ou développer l’engagement des équipes en place »

N’oublions pas d’écouter nos salariés avant de mettre en place des actions pour eux.

4. Le « sensemaking » Redonner du sens pour la reprise d’activité

par Louise Desmares, Consultante Qualité de Vie au Travail – psychologue du travail

A la sortie de ce confinement, il est important de ne pas tomber dans la recherche de la performance à tout prix.

Si la société est aujourd’hui tournée sur ses capacités d’agir, de reprendre l’activité, de rattraper le retard économique, les êtres humains qui la constituent sont bousculés par les changements engendrés par la crise Covid 19.

En effet, cette situation bouleverse nos expériences de vie, professionnelle et personnelle, et affecte nos certitudes : du modèle économique à la sécurité de l’emploi en passant par les valeurs d’entreprise, le sens, l’utilité du travail … Et c’est parce que le rapport au travail est bousculé qu’il convient de le questionner afin de (re)donner du sens collectivement à l’expérience que les équipes viennent de vivre.

Ce processus, en psychosociologie, s’appelle le « sensemaking ». C’est celui par lequel les individus donnent du sens à une expérience, une situation vécue. Introduit par le psychosociologue, Karl WEICK[6], c’est l’une des clés de la résilience organisationnelle et l’une des techniques les plus efficace pour restaurer la qualité de vie au travail après une crise exceptionnelle. Elle repose sur une forme particulière de management : la reconnaissance. La reconnaissance que ce qui s’est passé a été une épreuve pour les membres de l’organisation !

Afin de (re)créer du sens autour d’un événement déplaisant, le sensemaking nous apprend qu’il est nécessaire de satisfaire trois étapes :

  • La prise en compte du vécu et de l’expérience de chaque collaborateur, d’où l’importance du temps d’écoute décrit précédemment, qui permettra de valoriser et de reconnaître chaque individu, alimentant ainsi le besoin de reconnaissance existentielle.
  • La recherche et la co-construction de solution individuelle et collective, procurant chez les collaborateurs, un sentiment de contrôle et de maîtrise face à la situation vécue comme complexe et insaisissable.
  • L’identification des salariés à l’entreprise à travers la reconnaissance d’une culture commune permettant de satisfaire nos besoins d’appartenance à l’équipe et à l’organisation.

Lors de la reprise de l’activité, il est donc primordial de ne pas mélanger les étapes : la reconnaissance n’est pas une récompense suite à la performance retrouvée mais bien la clé qui permettra de l’atteindre. La reconnaissance est ici engagée comme un outil, un moyen, qui commence par l’écoute et finit par la performance.

Donner du sens collectivement à l’expérience que l’équipe et les personnes qui la constitue viennent de vivre ; prenez un temps pour écouter chaque personne de votre équipe et activer la considération pour l’expérience singulière que chacun a vécu.

5. « Mise en place accrue de télétravail, risque accru de cyberattaques !»

par Grégory Cenzi – RSSI d’Ayming

Pourquoi parler de cybercriminalité dans un article sur la semaine de la QVT ? D’abord parce que c’est un sujet directement lié au télétravail dont la pratique exponentielle engendre un risque accru d’attaques informatiques.
Or les virus informatiques, contrairement au virus « SARS-CoV-2 » ne se combattent pas avec du gel hydrologique et un masque mais bel et bien par un engagement collectif. Il suffit qu’une personne ne joue pas le jeu pour mettre à mal l’ensemble de la politique de sûreté informatique mise en place par l’entreprise.
Cette politique de sûreté informatique, est donc, tout comme la QVT, une démarche collective qui fonctionne grâce à des engagements individuels.
Carole Podymski

 Nous en avons parlé précédemment, la crise sanitaire a obligé un grand nombre de salariés à travailler à la maison, le Président de la République indiquant au début de cette crise que nous étions « en guerre » et cette guerre a perturbé toutes les entreprises.

Toutefois, une autre guerre peut mettre à mal une entreprise : la cyberattaque.

C’est une guerre déclarée à une organisation qui peut avoir des conséquences graves pour une entreprise : les bureaux et le système d’information de l’entreprise peuvent devenir inaccessibles pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines. Des coûts de restauration du système d’information, des actions de communication et une perte de chiffre d’affaires seront inévitables, sans compter le fléchissement de la confiance des clients et l’impact sur l’image de la société.

La mise en place du travail à la maison dans le cadre de la crise sanitaire a donc augmenté les risques en matière de cybersécurité car nombreux d’entre nous avons baissé la garde. Or c’est souvent au travers des salariés que les pirates informatiques tentent de compromettre le système d’information de l’organisation en profitant des failles de sécurité.

Nous sommes tous acteurs de la sécurité de notre système d’information et nous ne pouvons que compter sur la vigilance constante des collaborateurs pour bloquer les tentatives en vue de la bonne protection des données de nos systèmes d’information et de nos clients.

Sensibiliser ses équipes est donc essentiel pour éviter les actes malveillants. A titre d’exemple sur ce sujet, Ayming a profité de la période de confinement pour lancer son SSI Program auprès de ses collaborateurs afin de les sensibiliser. Ce programme est constitué de 3 questionnaires (questionnaire « Découverte » puis « Maîtrise » puis « Expertise ») composés chacun de 5 questions. A l’issue de la réponse aux 3 questionnaires, le salarié se voit remettre un certificat (« certificat of achievement »).
Vous retrouverez ici un exemple de question pour chacun des questionnaires et le modèle du certificat remis.

« Tous vigilants, tous responsables ».  Que vos salariés continuent de télétravailler à l’avenir ou qu’ils reviennent travailler dans vos locaux, la période est propice pour sensibiliser vos salariés sur le sujet en commençant par tester leurs connaissances puis en rappelant les bonnes pratiques que chaque collaborateur doit mettre en œuvre. 

[1] Source : Association nationale des DRH (ANDRH), 15 avril 2020 – voir également Livre Blanc « télétravail, l’inscrire dans la durée » paru début juin (Flexjob)
[2] Source : Étude de Deskeo, 26 mars 2020 – voir également Livre Blanc « télétravail, l’inscrire dans la durée » paru début juin (Flexjob)
[3] « Plus des 2/3 des salariés que nous avons interrogés ont envie de télétravailler à l’avenir », cf. enquête réalisée en avril et mai 2020 par l’IAE Grenoble : « Quelles conditions de travail et d’exercice du management en télétravail confiné ? »
[4] « Le télétravail de circonstances à celui de constance » – Séverine Reboullet (Ayming)
[5] « Mais ces nouveaux modes relationnels basés sur la confiance réciproque et l’autonomie ne sont pas acquis d’avance. Tous n’y étaient pas prêts ». cf. enquête IAE Grenoble (ibid)
[6] Karl WEICK : Weick (1995), Sensemaking in Organizations, Sage

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