Avec la publication de son nouveau guide du CIR 2020, le MESRI entend simplifier et clarifier son contenu. Plusieurs points restent cependant à clarifier et notamment sur l’éligibilité de la sous-traitance, en lien avec les jurisprudences récentes et l’inéligibilité du « personnel en régie » au titre du CIR.
CIR et sous-traitance : des recommandations qui ne tiennent pas compte des 2 dernières décisions du conseil d’état.
Concernant la sous-traitance, il est à regretter que les recommandations faites ne tiennent pas compte de deux décisions du conseil d’état majeures en matière de sous-traitance CIR :
- Décision du conseil d’état 22 juillet 2020, n°428127, FNAMS: « Lorsqu’une entreprise confie à un organisme mentionné au d ou au d bis du II de l’article 244 quater B du code général des impôts l’exécution de prestations nécessaires à la réalisation d’opérations de recherche qu’elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d’impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche ».
La rédaction de cette décision sans ambiguïté devrait sécuriser le contribuable donneur d’ordre dans la valorisation de dépenses relatives à la sous-traitance d’activité nécessaires.
Or, dans son nouveau guide, le MESRI émet des recommandations similaires à celles qu’il émet depuis l’édition de 2015, à savoir : « les travaux sous-traités doivent correspondre à la réalisation de véritables opérations de R&D, nettement individualisées (une prestation sous-traitée qui n’est pas de la R&D n’est pas éligible au CIR même si elle est indispensable à la réalisation d’une opération de R&D du donneur d’ordre) ».
- Décision du conseil d’état 9 septembre 2020, n°440523, TAKIMA: les juges avaient cette fois à se prononcer sur l’obligation, instituée par la doctrine administrative (BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, §220), qu’avaient les sous-traitants agréés de déduire les sommes facturées à leurs donneurs d’ordres éligibles au dispositif du Crédit Impôt Recherche. Les juges du Conseil d’Etat ont alors jugé que les dispositions litigieuses de l’article 244 quater B du CGI « (…) ne sauraient être lues comme imposant à ces organismes de recherche de déduire de l’assiette de leur crédit d’impôt la fraction des sommes facturées à des donneurs d’ordre pour la réalisation d’opérations de recherche pour le compte de ces derniers qui excéderait le montant des dépenses de recherche éligibles afférentes à ces mêmes opérations. ». Ainsi, les juges du Conseil d’Etat ont jugé que les commentaires administratifs ajoutaient à la loi, et que le sous-traitant agréé avait le choix de valoriser ou non les travaux effectués pour le compte de leurs donneurs d’ordres. S’il décidait de les valoriser, il n’aurait alors à déduire que le montant des travaux, et non celui de la facture, ce qui aurait pour effet de grever son CIR sur d’autres projets non menés pour le donneur d’ordre.
Cette décision n’est pas prise en compte dans le nouveau guide du MESRI qui recommande toujours aux organismes ou experts sous-traitants de « veiller à indiquer le montant des sommes reçues de l’entreprise donneuse d’ordre qui bénéficie du crédit d’impôt recherche (ligne 28b de la déclaration 2069-A-SD) ».
Des recommandations « restrictives » ou imprécises sur le personnel en régie (sous-traitance de capacité)
Le MESRI déclare que « les personnels en régie sont inéligibles au titre du CIR ». L’argument semble au mieux imprécis, au pire restrictif, et ne s’appuie sur aucun texte législatif ou réglementaire. En effet, les personnels amenés à travailler dans les locaux de l’entreprise peuvent être de trois ordres :
1 – mise à disposition
2 – sous-traitance agréée
3 – sous-traitance non agréée
Concernant la sous-traitance, l’éligibilité d’une prestation n’est pas conditionnée à la présence (ou non) de personnels prestataires au sein des équipes/locaux de l’entreprise ainsi qu’au caractère spécifique des moyens et compétences mobilisés, mais à la détention d’un agrément CIR.
Cette lecture est confortée par l’examen des travaux préparatoires à l’adoption de l’article 67 de la loi de finances pour 1983. On lit en effet dans l’exposé des motifs du projet de loi que l’amendement II-4 présenté par le Gouvernement en vue de créer un crédit d’impôt égal à 25% du montant de l’accroissement de l’effort de recherche que « [l]’effort de recherche est calculé en prenant en compte aussi bien les dépenses de recherche réalisées dans l’entreprise (personne et matériel) que la recherche externe opérée par voie de contrats avec des organismes indépendants ». Le législateur n’a jamais entendu apporter une quelconque restriction quant au mode d’intervention des prestataires.
Dans le cas où la société fait appelle à une société non agréée pour une prestation de service, nous rejoignons la position du MESRI quant à l’inéligibilité des personnels associés. Pour les deux autres cas, nous ne pouvons qu’être en désaccord avec cette analyse. L’éligibilité de la sous-traitance agréée et du personnel mis à disposition doit être analysée au regard des définitions de l’article 244 quater B et des différentes jurisprudences en matière de sous-traitance agréée (FNAMS, TAKIMA) et de mise à disposition de personnel (Intuigo – CE n° 390652). Ainsi, une précision de la part du MESRI serait la bienvenue sur ce qui est sous-entendu par la terminologie « personnels de régie ».
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