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CIR et éligibilité des activités externalisées : suivez l’évolution de la jurisprudence

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Le CIR, dispositif fiscal visant à encourager la R&D au sein des entreprises, est devenu un levier majeur pour favoriser l’innovation. Cependant, la question de l’éligibilité des activités externalisées au CIR est devenue un enjeu complexe, donnant lieux à des évolutions jurisprudentielles significatives.

Suivez l’évolution de la jurisprudence.


Dernière MAJ : 12 décembre 2023

CIR : le paiement des dépenses de sous-traitance par le cocontractant ne remet pas en cause l’éligibilité pour le CIR :

Dans l’arrêt « société CAP 2020 Consult », du 26 juillet 2023, la Haute juridiction précise que lorsqu’une entreprise confie à un organisme, l’exécution de prestations nécessaires à la réalisation d’opérations de recherche qu’elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d’impôt, quand bien même les prestations sous-traitées à cet organisme feraient l’objet d’un paiement direct à celui-ci par le cocontractant de l’entreprise.

En effet le Conseil d’Etat précise que :

« dès lors que la société Cap 2020 Consult n’avait exposé aucune dépense afférente aux opérations de recherche réalisées par ces organismes, c’était à bon droit que l’administration fiscale avait considéré que ces dépenses ne pouvaient être incluses dans le calcul de son crédit d’impôt, nonobstant, d’une part, la circonstance que la société était la seule titulaire du marché passé avec le CNES et, d’autre part, le mode de comptabilisation des dépenses en cause. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu’en jugeant que le règlement direct par le CNES des prestations de recherche réalisées par les quatre organismes dans le cadre de l’accord de consortium conclu avec la société Cap 2020 Consult était de nature, par lui-même, à faire obstacle à ce que les dépenses correspondantes soient regardées comme exposées par la société Cap 2020 Consult au sens et pour l’application des dispositions de l’article 244 quater B du code général des impôts, sans rechercher si ces prestations avaient ou non été réalisées pour le compte de cette dernière, la cour a commis une erreur de droit.»


Année 2022

CIR et importance du libellé des factures

Dans l’arrêt « Berkem Développement » rendu le 9 novembre 2022, la Cour administrative de Bordeaux a considéré que les dépenses relatives, d’une part, à des demandes d’autorisation de mise sur le marché national ou de l’UE ou à des redevances payées au titre de la reconnaissance mutuelle d’une autorisation délivrée par un autre Etat membre (versées à un organisme public), et d’autre part à des dépenses de traduction d’un acte d’autorisation de mise sur le marché (versées à des organismes de recherche privés), ne constituaient pas des dépenses de sous-traitance au CIR.

A ce titre, les juges ont estimé que :

« L’intitulé des factures produites et des deux rapports d’évaluation communiqués émanant de l’ANSES et de l’agence européenne des produits chimiques que les opérations réalisées, qui visent à vérifier l’efficacité et l’innocuité des produits issus de la recherche pour permettre leur commercialisation ne sont pas intervenues dans le cadre de la conception et la réalisation des produits et n’ont pas participé à des travaux de recherche. Ces dépenses ne peuvent donc être prises en compte pour la détermination du montant du crédit d’impôt ».

CIR : Rappel sur la notion de territorialité

La Cour Administrative d’Appel de Bordeaux (8 février 2022, Société Eveha Services Administration n° 19BX03455) est venue rappeler le caractère non éligible des dépenses liées à des opérations exécutées en dehors de l’Union Européenne (UE) ou de l’Espace Economique Européen, et ce, même si une convention de collaboration de recherche est conclue entre un établissement localisé en France et un établissement localisé hors UE.

En effet, pour rappel, l’article 244 quater B du CGI mentionne la notion « d’opérations localisées au sein de » :

« Correspondre à des opérations localisées au sein de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. »


Année 2021

CIR : précisions sur les modalités de calcul pour les organismes agréés

Le poste de dépense de la sous-traitance fait l’objet de nombreuses évolutions jurisprudentielles. La Haute juridiction a apporté des éclaircissements, le 18 juin 2021, au regard des modalités de calcul de l’assiette CIR des organismes agréés (CE, 18 juin 2021, n°433319, Sopra Steria).

En effet, il était question d’un organisme agréé qui n’avait déduit aucune des sommes reçues de ses clients. L’administration fiscale a alors remis en cause ce mode de calcul effectué par la société, afin d’exclure les dépenses refacturées à ses clients, bénéficiaires du CIR. Cette position a été suivie par les juges du fond.

Or la Haute Juridiction annule la position des juges du fond et prévoit que :

« lorsqu’un tel organisme engage des dépenses de recherche pour son propre compte, y compris dans l’hypothèse où elles sont suscitées par l’exécution de prestations pour le compte d’un tiers dont l’objet ne porte pas sur la réalisation d’opérations de recherche, cet organisme peut inclure ces dépenses dans la base de calcul de son crédit d’impôt si elles satisfont aux exigences posées par l’article 244 quater B du code général des impôts, sans que ces dispositions ne lui imposent de déduire de cette assiette les sommes facturées au bénéficiaire des prestations, qui ne constituent pas, pour ce dernier, des dépenses éligibles à ce crédit d’impôt. »

Ainsi, lorsqu’un organisme agréé engage des dépenses de recherche pour son propre compte, y compris lorsqu’elles sont suscitées par l’exécution de prestations pour le compte de tiers dont l’objet ne porte pas sur la réalisation d’opérations de R&D, cet organisme peut inclure ces dépenses dans l’assiette de son CIR, si elles satisfont aux exigences posées par l’article 244 quater B du CGI.

Cette décision s’inscrit dans la lignée des jurisprudences relatives aux modalités de calcul de la déclaration CIR des organismes agréés. Elle est à appliquer en complément des arrêts Lunalogic et TAKIMA.  Cette décision, qui s’inscrit dans la lignée de jurisprudences récentes du Conseil d’Etat (Lunalogic et Takima) visent à apporter une grille de lecture précise et ainsi sécuriser la déclaration CIR des organismes agréés. L’arrêt NOVALIX s’est également aligné sur l’arrêt TAKIMA.


CIR : Détermination du montant de dépenses de sous-traitance

La Cour Administrative d’Appel de Versailles, dans un arrêt du 13 avril 2021, Beicip Franlab, a estimé éligible la valorisation de dépenses de sous-traitance bien que le montant facturé n’était pas nettement individualisé.

En l’espèce, les prestations sous-traitées étaient rémunérées sous forme de redevances assises sur le chiffre d’affaires résultant de la commercialisation des logiciels par la société Beicip-Franlab. Si ce mode de rémunération fait participer le sous-traitant aux risques de l’opération, il n’exclut pas, par lui-même, que les redevances incluent des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt recherche. Par ailleurs, les dépenses de recherche sous-traitées ont été admises car elles ont été clairement déterminées au vu des devis des prestations sous-traitées, alors même que les montants facturés par l’IFPEN ont été contractuellement dénommées « redevances » par le contrat de sous-traitance.

Néanmoins, l’administration fiscale s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

Par conséquent, et sous réserve d’un avis contraire de l’arrêt du Conseil d’Etat à venir, les prestations de sous-traitance de R&D faisant l’objet d’une facturation globale/mixte peuvent être valorisées au CIR mais le montant valorisé doit être déterminé avec des éléments tangibles tels que : devis, contrat, élément de comptabilité, etc..


Année 2020

CIR et éligibilité au CIR des travaux sous-traités « nécessaires à » : les juges du fond se conforment à la position du Conseil d’Etat

Le Tribunal administratif de Lyon s’est prononcé le 15 septembre 2020 (TA, 15 septembre 2020, N°1902656) sur l’éligibilité des travaux sous-traités « nécessaires à ».

A notre connaissance, il s’agit du premier jugement appliquant l’arrêt de la Haute juridiction du 22 juillet 2020, « FNAMS », prévoyant que lorsqu’un donneur d’ordre confie des prestations à un sous-traitant, celles-ci étaient éligibles même si elles ne constituent pas des dépenses de R&D nettement individualisées.

En effet, les juges reprennent exactement le même motif invoqué dans l’arrêt FNAMS, suivant :

« Lorsqu’une entreprise confie à un organisme mentionné au d ou au d bis du II de l’article 244 quater B du code général des impôts l’exécution de prestations nécessaires à la réalisation d’opérations de recherche qu’elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d’impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche. »

Ce nouvel arrêt conforte le sentiment que le contribuable donneur d’ordre se retrouve dans une position sécurisante au regard de la valorisation de ses dépenses de sous-traitance.

Jurisprudence : nouvelle décision concernant la sous-traitance CIR

Peu après la jurisprudence FNAMS (CE, 22 juillet 2020), le Conseil d’Etat vient de rendre une nouvelle décision concernant la sous-traitance dans le cadre du CIR (CE, 9 septembre 2020, n°440523).

Les juges avaient cette fois à se prononcer sur l’obligation, instituée par la doctrine administrative (BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, §220), qu’avaient les sous-traitants agréés de déduire les sommes facturées à leurs donneurs d’ordres éligibles au dispositif du Crédit Impôt Recherche.

Les juges du Conseil d’Etat ont jugé que les commentaires administratifs ajoutaient à la loi, et que le sous-traitant agréé avait le choix de valoriser ou non les travaux effectués pour le compte de leurs donneurs d’ordres. S’il décidait de les valoriser, il n’aurait alors à déduire que le montant des travaux, et non celui de la facture, ce qui aurait pour effet de grever son CIR sur d’autres projets non menés pour le donneur d’ordre.


Eligibilité au CIR des travaux sous-traités « nécessaires » aux projets de R&D menées en interne, le Conseil d’Etat se prononce.

Le guide du Crédit Impôt Recherche, depuis son édition 2015, indique que pour être éligibles au CIR du donneur d’ordre, les travaux sous-traitées doivent être, « pris isolément », des travaux de Recherche éligibles au CIR.
Ainsi, selon ledit guide, des travaux nécessaires aux travaux menés chez le donneur d’ordre, qui ne seraient pas « en eux-mêmes » éligibles au CIR, ne seraient pas valorisables comme dépenses de sous-traitance dans le CIR du donneur d’ordre.

Cette question a fait l’objet de nombreux contentieux devant les tribunaux, et était source d’une grande insécurité pour les contribuables déclarant des dépenses de sous-traitance, le sens des décisions jurisprudentielles sur le sujet étant de plus assez fluctuant.

Par un arrêt de décembre 2018, la Cour Administrative d’Appel de Paris (CAA Paris, 20 décembre 2018, FNAMS) a indiqué clairement que les travaux qui, pris isolément, n’étaient pas des travaux de R&D, n’étaient pas éligibles dans le CIR du donneur d’ordre, peu importe que les travaux sous-traités aient été nécessaires aux travaux menés « en interne » par ce dernier.

Le contribuable s’est pourvu en cassation contre cette décision, et le Conseil d’Etat a tranché le point, par un arrêt du 22 juillet 2020 (CE, 22 juillet 2020, Fédération Nationale des Agriculteurs Multiplicateurs de Semences).

Les juges indiquent donc que :

« Lorsqu’une entreprise confie à un organisme mentionné au d ou au d bis du II de l’article 244 quater B du code général des impôts l’exécution de prestations nécessaires à la réalisation d’opérations de recherche qu’elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d’impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche. »

La rédaction sans ambiguïté de cette décision devrait permettre de mettre fin à cette question, et de sécuriser le contribuable donneur d’ordre dans la valorisation de ses dépenses de sous-traitance.

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