Lors de nos échanges avec les managers de terrain et les opérationnels RH, nous avons constaté que très souvent des questions demeurent concernant le droit pour l’employeur de conserver un lien avec son salarié pendant son arrêt de travail.
Afin de lever les doutes et les incertitudes, nous avons sollicité l’avis argumenté d’un avocat spécialisé, Maître Thomas Katz du cabinet Marvell.
L’employeur peut-il prendre contact avec un collaborateur pendant sont arrêt de travail pour prendre de ses nouvelles ? Comment ?
En premier lieu, il sera rappelé que le salarié, tenu à une obligation de discrétion et de loyauté à l’égard de son employeur, a l’obligation de l’informer de son absence en lui adressant dans un délai raisonnable (le plus souvent 48 heures) le justificatif de son absence.
Cette obligation d’information incombant au salarié est consacrée tant par la plupart des conventions collectives, que par le règlement intérieur (dans les entreprises employant habituellement au moins 20 salariés) et le contrat de travail.
En deuxième lieu, pendant la période de suspension du contrat de travail, l’employeur peut prendre des nouvelles de son collaborateur absent.
Aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit au chef d’entreprise de prendre des nouvelles de son collaborateur absent.
Cette prise de contact devra intervenir par le biais d’un appel téléphonique, en évitant toute communication écrite sur ce sujet (pas de courrier, pas de sms), et sous réserve naturellement que le chef d’entreprise dispose des coordonnées personnelles de son collaborateur.
En troisième lieu, le chef d’entreprise veillera à être modéré dans ses propos et à appeler à des heures correspondant aux horaires de travail de son collaborateur.
Il tiendra compte également des horaires de sorties libres dont dispose éventuellement l’intéressé. Par ailleurs, quelques jours avant le terme de l’arrêt de travail d’un collaborateur, un appel téléphonique du chef d’entreprise peut permettre d’anticiper la reprise et de l’aborder sereinement.
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A quels risques le manager s’expose-t-il le cas échéant ?
Lors de ses appels téléphoniques, le chef d’entreprise devra faire preuve de tact et de discernement, afin de ne pas s’exposer à deux risques majeurs :
Le chef d’entreprise ne doit pas porter atteinte à la vie privée du salarié.
Conformément à l’article 9 alinéa 1 du Code Civil, « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
Le respect de la vie privée implique que l’employeur ne doit pas se montrer trop intrusif lors de son appel téléphonique, mais inciter son collaborateur à s’exprimer librement sur les motifs et la durée prévisible de son absence.
S’il sent une quelconque réticence de la part de son collaborateur à s’exprimer, il devra alors s’abstenir de l’appeler à nouveau.
Un arrêt prononcé par la Cour d’appel d’Angers (CA Angers 09/07/2013, n°11/02111) démontre que l’appel téléphonique d’un supérieur hiérarchique au CHU, afin de s’assurer de la véracité des dires de sa subordonnée constitue une atteinte à la vie privée, et plus précisément un non-respect du secret médical de nature à justifier le licenciement de l’intéressé.
En cas d’atteinte avérée à la vie privée de son collaborateur par le chef d’entreprise, ce dernier s’exposerait à des dommages et intérêts sur le plan civil. Sur le plan pénal, plusieurs infractions concourent à la protection de la vie privée (violation de domicile, violation du secret des correspondances).
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Le chef d’entreprise doit également veiller à ne pas appeler trop fréquemment le salarié.
En effet, des appels téléphoniques répétés pourraient être perçus comme étant constitutifs d’un harcèlement moral. Le chef d’entreprise s’exposerait alors à des sanctions tant sur le plan civil (condamnation au paiement de dommages et intérêts) que sur le plan pénal (pour une personne physique : 2 ans d’emprisonnement et 30.000€ d’amende – article.222-33-2 Code Pénal, article L.1155-2 Code du Travail).
Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes apporte un éclairage sur les appels téléphoniques du chef d’entreprise pouvant être constitutifs d’un harcèlement moral.
Dans le cas d’espèce, la Cour d’appel avait relevé « la faiblesse du nombre d’appels téléphoniques passés par l’employeur pendant les arrêts de travail de Madame … (un par mois entre avril et mai 2007) n’est pas de nature à caractériser une pratique persécutrice » (CA Nîmes, 26-06-2012, n° 10/04915).
Thomas KATZ, Avocat of Counsel
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